The Walking Dead - Saison 1

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Affiche The Walking Dead

Franck Darabont comme showrunner d’une série télé adaptant le comic book phénomène de Robert Kirkman, The Walking Dead ? Miam ! Effectivement, malgré quelques défauts, la série est un petit régal. Il est temps d’en causer un peu et d’en profiter pour faire un état des lieux des zombies à l’écran.


Depuis quelques années, les zombies subissent un sacré mauvais traitement sur grand écran de la part de celui qui les installa durablement dans l’imaginaire collectif et la contre-culture, George Romero. Diary Of The Dead et Survival Of The Dead font d’autant plus mal que la décrépitude physique des morts-vivants souligne la déchéance artistique du réalisateur. Sans compter les multiples ersatz surfant sur le revival de ce pan culturel à coup de "Dead" quelquechose (des zombies dans l’avion, à la radio, aux sports d’hiver, et bientôt aux toilettes mais patientez cinq minutes ils vont revenir ?), qui parviennent d’avantage à ressusciter les bisseries ou zèderies ritales d’antan (mais sans le détachement qui conférait une certaine poésie aux œuvres des Mattei, Fulci et autres Lenzi, jusqu’à apprécier ces malformations carnavalesques compensant leurs limites budgétaires et de mise en scène par un grand n’importe quoi jouissif) plutôt que dépoussiérer le genre.
Cependant, les zombies ont tout de même bénéficié de la reprise en main de leur mythologie par des  cinéastes ayant quelquchose à filmer et ne se limitant pas à un délire potache. L’excellent diptyque 28 Jours / Semaines Plus Tard, respectivement de Danny Boyle et Juan Carlos Fresnadillo, [Rec] et sa suite de Jaume Balaguero et Paco Plaza, Planet Terror de Robert "la merguez" Rodriguez, Shaun Of The Dead d’Edgar Wright, La Horde de Benjamin Rocher et Yannick Dahan ou Bienvenue A Zombieland de Ruben Fleisher sont autant de réussites se démarquant avec habileté et énergie des illustres modèles érigés par Romero. Pas parce que les zombies travaillant à améliorer leur record du 100 mètres ont été intronisés ou parce que désormais on les définit plus volontiers sous le terme d’infectés mais parce qu’ils renouvellent les enjeux de la survie, les confrontations et les conséquences pour les survivants. Soit exactement ce qu’il manquait aux succédanés En Quarantaine 1 et 2 et L’Armée Des Morts de Zach Snyder qui s’enlisent dans la répétition désincarnée des originaux (le film de Snyder fait illusion l’espace du formidable premier quart d’heure mais n’est plus capable par la suite que de quelques fulgurances, comme ce bus traversant un flot de marée non-humaine).

Globalement, si le zombie flick attire toujours autant, les réalisateurs comme les spectateurs, il peine à retrouver une certaine fraîcheur. En même temps, difficile de se montrer original quand tout à pratiquement été filmé. Mais au-delà de la satire politico-sociale, du questionnement philosophique infusant les meilleurs du genre préalablement cités, ce qui fait l’attrait de ces films sont les débordements graphiques, la menace d’une mort inéluctable que font incidemment peser ces oxymores sur pattes et les tensions entre les vivants qui tentent d’organiser leur survie.
Autant d’éléments plutôt bien mis en scène par la mini-série Dead Set où les candidats de Big Brother (le Loft british) ont maille à partir, en plus de leur guerre d’égos, avec l’apocalypse zombie ayant frappé l’extérieur et qui maintenant s’attaque à leur cocon. Six épisodes épatant de cohérence (visionnés à la suite, on a vraiment l’impression de voir un film chapitrée en six actes d’une heure) et vraiment étonnants par leur degré de violence. On est à la télé et pourtant, Dead Set ne lésine pas sur le gore et l’aspect putride de ces zombies dont on aurait pu craindre l’altération. Une série dont la qualité et le succès rencontrés ont pavé la voie pour l’installation durable de nos chers zombies dans la petite lucarne.

The Walking Dead
 

La première saison de The Walking Dead confirme cette nouvelle donne. Diffusés sur la petite chaîne câblée (qui monte, qui monte) AMC (sur laquelle sont également diffusés Mad Men ou Breaking Bad), ces six épisodes initiaux souffrent certes de maladresses scénaristiques mais proposent (avec quelques bémols, on y reviendra) une caractérisation et la matérialisation d’un monde délabré particulièrement soignés et crédibles. Et surtout, les zombies sont magnifiquement défigurés, gloire soit rendue à Greg Nicotero et ses p’tits gars du studio d’effets de maquillages KNB. Voir Darabont à la tête d'un tel projet peu sembler surprenant, ses films ne le prédisposant pas à un univers zombifié, lui qui s’était spécialisé dans les adaptations magistrales des œuvres de Stephen King avec Les Evadés, La Ligne Verte et The Mist. Sauf que The Mist, justement, s’apparente à un véritable film de zombies mais sans zombies. Ces derniers sont remplacés à l’écran par des créatures fantastiques issues d’une brime étrange et renvoyant aux monsters flicks des fifties (la version noir et blanc du film présente en bonus du DVD confirme superbement cette approche) mais pour le reste, on retrouve précisément ce qui fait le charme des films de mort-vivants : des morts traumatisantes, une ambiance anxiogène portant à ébullition la volonté de survivre pour la transformer en comportements parfaitement irraisonnés et une étude de caractères digne d’un anthropologue de l’extrême. Ces composantes, Darabont prend le pari de les étaler sur plusieurs épisodes dans une histoire préalablement scénarisée par Kirkman dans son comic book éponyme et ici adapté.

Kirkman que l’on peut considérer à juste titre comme un maillon essentiel du renouveau des zombies dans la culture populaire. Des morts-vivants pourtant amenés dans les cases par le scénariste Mark Millar dans les pages d’Ultimate Fantastic Four, proposant une version zombifiée et issue d’un monde parallèle, de la plus célèbre famille de super-héros de la Marvel. Une trouvaille qui rythma le fantastique run de Millar et Greg Land (Ultimate Fantastic Four n°21 à 32) et qui fut déclinée dans différentes mini-séries Marvel Zombies (les super-héros de la firme sont devenus des non-morts luttant pour leur survie après avoir boulotté tout le monde !) dont les deux premières furent scénarisées par Robert Kirkman fort du succès de ses Walking Dead.

The Walking Dead
 

Si la version télévisée se détache rapidement de la version dessinée - les protagonistes principaux sont tous là mais l’agencement des péripéties diffèrent rapidement - le point de départ et le fond du récit demeurent identiques. Pour une raison inconnue, les morts reviennent à la vie et s’attaquent aux vivants. La Terre est désormais un vaste garde-manger ou un réservoir de zombies potentiels, ceux se faisant seulement mordre étant destinés à se transformer. La seule façon de  s‘en débarrasser est de leur dézinguer la caboche, par une balle dans la tête, la décapitation ou l’avalanche de coups. Soit des bases on ne peut plus classiques et déjà assimilées par les spectateurs. C’est dans ce monde post-apocalyptique que se réveille l’ex-shériff Rick Grimes après un coma suite à une grave blessure par balles peu avant la propagation de la mort en marche. Son réveil et ses premières déambulations dans l’hôpital dévasté puis la ville désertée renvoyant aux prémisses de 28 Jours Plus Tard. Pour l’instant, ce premier épisode navigue en terrain balisé. Et bien que la séquence pré-générique se termine sur un plan choc (une fillette zombie plombée en plein front), on reste quelque peu sur sa faim. C’est efficace, bien emballé mais cela a du mal à décoller. Mais Darabont, en charge de la réalisation de ce premier épisode, instille pourtant la note d’intention de la première saison par le biais d’une séquence présentant Grimes et son ami et adjoint Shane Walsh, discutant de préoccupations personnelles, brusquement interrompus par un appel radio pour aider des collègues à arrêter un véhicule pris en chasse, le tout terminant dans une sanglante fusillade. Soit des instants tranquilles propices à la confidence perturbés par des actions à la violence dramatique et dont les plus terribles ne proviendront pas forcément des non-morts…

The Walking Dead
 

Comme toute bonne œuvre zombiesque, ce qui importe est la manière dont agissent et réagissent dans l’adversité les survivants. Les véritables personnalités seront ainsi mises à jour voire voleront en éclats, des personnages basculeront dans la férocité voire l’animalité quand d’autres se révèleront à eux-mêmes et aux autres. Chacun développant des compétences latentes qui dans ce contexte dégradé seront salutaires ou mettront en péril l’intégrité du groupe. C’est exactement vers quoi se dirige The Walking Dead, offrant une galerie de personnages truculents et archétypaux préservés du stéréotype par une ambivalence à fleur de peau. Non seulement on se rend vite compte que malgré l’importance narrative prise par certains, personne n’est à l’abri de trépasser, mais il est impossible de déterminer avec sûreté le degré de bonté ou de franchise de chacun.

Si le personnage de Merle Dixon (Michael Rooker), inventé pour le show, est un extrémiste radical et raciste à la limite de la caricature, son frère Daryl présentant les mêmes dispositions a des possibilités d’évolution plus intéressantes. S’il aide avant tout la petite communauté, formée autour de Shane Walsh, par intérêt il démontre quelques signes de compassion masqués par une absence d’états d’âme lorsqu'il s'agit notamment d'achever quelqu'un fraîchement mordu.
Shane Wlash, s’il n’a pas été créé spécialement a en revanche une existence dores et déjà plus longue que dans les comics. Son personnage a été développé afin de former un triangle amoureux avec la femme de Rick Grimes, Lori, mais surtout pour incarner une autre facette de la justice que celle de Grimes. Il n’est pas pour autant son versant sombre mais ses réactions excessives, son manque de sang-froid, son attentisme, en font un contre-point parfait et passionnant à Grimes qui prend le temps de réfléchir à la portée de ses actes (quand les évènements lui en donnent l’occasion) et qui se démène pour toujours avancer, pour mettre le groupe en sûreté. Les deux ex-policiers font tout pour préserver l’unité de la communauté mais Grimes se distingue par un leadership inné et complètement désintéressé (bien que pointe parfois un certain désabusement). Autrement dit, ça risque fort de très mal tourner entre les deux amis dans les saisons suivantes. Dommage que le jeu de l’interprète de Shane,  Jon Bernthal, soit parfois si peu nuancé, parfois outrancier (notamment dans ses rapports avec la femme et le fils de Grimes) car cela décrédibilise quelque peu celui qui est un indéniable pilier.

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Puisque l’on est dans les faiblesses du show, poursuivons en mettant en exergue l’excès de verbiage de certains épisodes. Certains dialogues sont franchement inutiles, peu passionnants ou pertinents et ont tendance à ralentir le déroulement du récit. La palme revenant à la conversation entre les deux sœurs Andréa (Lory Holden qui dans The Mist avait un rôle comparable) et Amy ouvrant le quatrième épisode. Elles devisent dans une barque à propos de pêche et de leur pauvre père désormais disparu mais sans que pointe la moindre émotion. Cependant, les morceaux de bravoures sont suffisamment nombreux et particulièrement bien amenés pour rehausser l’intérêt en passe de s’effriter.
Entre la confrontation de Grimes à cheval avec les zombies peuplant les rues d’Atlanta, le dépeçage d’un cadavre pour s’en maculer les viscères sur soi afin de passer inaperçu dans la masse grouillante des rôdeurs, toute la dernière partie haletante du second épisode, l’attaque surprise du camp, la rencontre avec un autre groupe convoitant le même sac d’armes à deux doigts de dégénérer, le suicide programmé du scientifique du CDC, le cliffhanger de malade du premier épisode, autant de moments générant une tension intense. Mais il y a bien une scène vraiment dérangeante, c’est celle montrant les membres du camp s’acharnant sur un zombie divaguant dans les bois à proximité. On a beau avoir conscience de la dangerosité de la créature et de la nécessité de l’éliminer, on reste tout de même estomaqué par la furie collective qui s’empare d’eux, rouant de coup le mort-vivant isolé. Et c’est Daryl, dont c’est la première apparition qui mettra fin à ce moment de folie avec une flèche en plein crâne. Le frère de Merle que l’on présentait jusque là comme quelqu'un de violent, d’instable, est celui qui se montre finalement le plus humain.

The Walking Dead
 

Grimes, après avoir constaté que sa femme et son fils sont portés disparus, rencontre un  homme noir, Morgan, accompagné de son fils d’une dizaine d’années qui vont l’aider à prendre conscience et surmonter la situation. C’est au moment de leur séparation, lorsque Grimes décide de rallier Atlanta où s’est sans doute réfugiée sa famille, qu’interviendra la séquence définissant l’âme de ce road movie, qui en établira la singularité. Alors que Morgan dispose une photo de sa femme sur le chambranle de la fenêtre, il se saisit d’un fusil à lunette pour en finir avec l’enveloppe corporelle de son épouse déambulant avec les autres rôdeurs. Monté en parallèle, Grimes traverse à pied un parc où il retrouve le tronc de la femme zombie croisé précédemment. Tandis que Morgan fait un carton sur les zombies mais se montre incapable d’abattre sa propre femme, Grimes s’arrête au niveau de la morte-vivante, s’accroupit à sa hauteur et la regarde avec compassion (alors que la première rencontre avait généré chez lui un sentiment de dégoût). Finalement, en pleurs, Morgan dépose son fusil sans avoir réussi à "tuer" sa dulcinée, Grimes pendant ce temps met fin à l’existence de la non-morte d’une balle dans la tête. Une séquence magistrale où culmine l’émotion et met en évidence les notions centrales de la série : un questionnement constant et diversement abordé sur l’humanité à préserver en chacun (comment ne pas céder à ses plus primitifs instincts, qu’est-ce qui défini un humain ?) et la confrontation avec la mort. Chacun y fera face différemment, certains attendant passivement, refusant catégoriquement la disparition d’un être cher ou détournant lâchement le regard quand d’autres l’affronteront avec courage.

Outre ces interrogations, les notions de pouvoir, de solidarité, de justice sont également au cœur de la série mais sont parfois assez maladroitement abordées ou illustrées. Et s'ils n'ont pas encore été abordés, il semble que les thèmes de la foi et du jugement dernier trouveront quelques résonnances dans la deuxième saison.

Si cette première saison tient parfois difficilement la distance avec le remarquable épisode pilote de Darabont, les motifs de satisfaction sont suffisamment nombreux pour emporter l’adhésion. Une saison inaugurale qui sert avant tout d’exposition, de rampe de lancement. En espérant que le décollage ne soit pas perturbé par la mise en retrait (voulue ou imposée, c’est selon les versions) de Darabont qui de showrunner passe au poste de producteur executif.


THE WALKING DEAD - SEASON 1

Réalisateurs : Franck Darabont, Ernest R.Dickerson, Gwyneth Horder-Payton
Scénario : Franck Darabont, Robert Kirkman, Tony Moore, Charlie Adlard, Glen Mazzara

Production : Franck Darabont, Robert Kirkman, Gale Ann Hurd, Glen Mazzara…
Photo : David Boyd
Montage : Julius Ramsay, Hunter M.Via, Nathan Gunn
Bande originale : Bear McCreary
Origine : Etats-Unis

Durée : épisode pilote de 1h10 puis 5 x 45’
Diffusion française : 20 mars 2011 – disponible en Blu-ray et DVD depuis le 5 juillet 2011




   

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