Grindhouse : Planète Terreur

Dawn of the Z

Affiche Planète Terreur

Mine de rien, la sortie en deux temps du projet Grindhouse dans nos contrées aura permis de mesurer à quel point Quentin Tarantino et Robert Rodriguez ne jouent clairement pas dans la même cour. Alors que le premier évolue depuis ses débuts dans celle des authentiques cinéastes de génie, le second demeure un éternel bidouilleur plus ou moins inspiré en fonction des concepts qui lui passent sous la main.


Résultat : avec un budget similaire et une ambition commune (faire renaître l’esprit des drive-in en rendant hommages aux films d’exploitation des 70’s), les deux potes proposent des œuvres radicalement différentes reliées entre elles par un même plaisir de spectateur. D’un côté : une histoire de cascadeur psychopathe calquée sur une structure de rape and revenge prétexte à démontrer le narcissisme de son propre auteur. De l’autre : une invasion de zombis revendiquant son absence de fond et fonçant droit sur l’autoroute du divertissement jouissif et déconneur.  

Du coup, on en viendrait presque à comprendre (à défaut de pardonner) les raisons qui ont poussées le distributeur français et le Festival de Cannes à éclipser l’opus de Rodriguez au profit de celui de Tarantino. Car artistiquement, Planète Terreur se situe effectivement en dessous de ce que proposait Boulevard De La Mort, comme en témoigne par exemple l’utilisation des défauts de pellicule. Alors que le réalisateur de Kill Bill s’en servait pour marquer l’opposition entre le Stuntman Mike issu du passé et ses victimes modernes (passage en noir et blanc avant la brusque arrivée de couleurs criardes, atténuation progressive des rayures et des sautes d’image traduisant la victoire d’un monde sur l’autre), le responsable de Sin City, lui, ne les utilise que pour conférer un aspect vintage très classe à sa bande sans tenter de mettre en abîme ses inspirations.
Pas forcément un défaut pour autant ceci dit. Car en privilégiant une approche modeste de son sujet, Robert Rodriguez livre un délire nettement plus en phase avec l’esprit des Grindhouse que ne l’est Boulevard De La Mort, allant jusqu’à signer lui-même le trailer génial de Machete qui ouvre le double feature. Remarquons au passage que les deux seules références ouvertes au Cinéma (une déclaration d’amour à Ava Gardner et la bande-annonce du Femmes En Cages avec Pam Grier) sont dues à la présence de Tarantino dans un rôle introduisant déjà la réflexion qu’il développera dans son propre film (un soldat qui perd ses couilles en voulant violer des nanas : le rapprochement est très clair avec le sort réservé à Stuntman Mike). Série B décomplexée et parfois bordélique (des scènes du film ont carrément été tournées sur le parking de la boîte de production Troublemaker Studios !), Planète Terreur ne s’embarrasse d’aucun sous texte politique à la Romero, préférant étaler des hectolitres de pus et de sang à l’écran avec une générosité débordante. Décapitations avec l’hélice d’un hélicoptère, explosions de têtes, démembrements en tout genre, maquillages pustuleux, testicules coupées ou fondues… L’efficacité prime avant tout, comme viendra le rappeler le gag désopilant de la bobine manquante qui est autant un clin d’oeil aux désastres subits par certaines copies baladées de drive-in en drive-in qu’un subterfuge pour précipiter l’action sans l’alourdir de séquences explicatives.   

Planète Terreur
 

Conceptuel, le projet Grindhouse semble avoir la même profession de foi qu’un Kill Bill : tirer vers le haut des sous-genre tombés en désuétude pour en extirper le meilleur ou en célébrer gentiment le pire. Aussi, avec des budgets nettement plus confortables que ce que coûtaient réellement les films d’exploitation autrefois, Boulevard De La Mort et Planète Terreur ne se contentent pas d’offrir des morceaux de bravoure réellement impressionnants type assaut d’un complexe militaire par une horde de zombis ou course-poursuite en voitures. Ils proposent également des qualités d’écriture rendant les personnages suffisamment attachants pour que l’on se soucie de leur sort. Et sur ce coup, force est d’admettre que les barges de Robert Rodriguez valent bien les pipelettes de Tarantino ! Dès son générique d’ouverture, le réalisateur mexicain sublime une Rose McGowan effectuant une danse sensuelle dans un club de strip-tease. La pellicule est sur le point de s’embraser face à tant de poses lascives quand soudain, l’image se stabilise. La jeune femme a fini son numéro et pleure sur scène. L’émotion éclate, inattendue dans un pareil contexte. La caricature de la machine à fantasmes s’évanouit pour laisser place à l’humain fragile. L’empathie est immédiate envers cette victime de la vie qui accèdera par la suite au statut d’héroïne de bande dessinée, une mitraillette greffée à la place de la jambe. Tous les autres protagonistes seront ainsi caractérisé par des trouvailles amusantes (des seringues paralysantes, un bocal de couilles, une alliance perdue à cause d’un doigt tranché…) qui en dévoilent plus que de longs dialogues explicatifs, chacun possédant sa propre histoire autonome.
Du coup, le métrage accompli l’exploit de nous toucher avec une simple discussion sur une recette de cuisine ou un problème d’adultère classique. Et si l’ensemble donne parfois l’impression de n’être qu’un enchaînement de situations forts bien troussées, l’audace dont font preuve certaines séquences (dont la mort inattendue d’un enfant) permet de hisser Planète Terreur plusieurs crans au-dessus de la simple blague potache et périssable du samedi soir. Robert Rodriguez n’a peut être pas tiré un trait sur les récréations filmiques où il fait cachetonner ses proches (ses nièces héritent ici des rôles de deux insupportables jumelles) mais rarement aura-t-il su le faire avec un tel prestige. 

Planète Terreur
 

Bénéficiant d’un casting hétéroclite et d’une partition instantanément culte qu’on jurerait composée par John Carpenter, Planète Terreur ne possède pas la mélancolie du Boulevard De La Mort mais cultive si bien son côté bis (voire Z) qu’il ne peut que susciter la sympathie. Mieux : il retrouve la grâce d’Une Nuit En Enfer, autre film gore du réalisateur sur lequel Tarantino avait déjà apporté sa contribution dix ans plus tôt. La frontière artistique entre les deux hommes aura beau être bien marquée, il sera toujours heureux de les voir la traverser pour cohabiter dans le même pays : celui du 7ème Art.

8/10
GRINDHOUSE: PLANET TERROR

Réalisateur : Robert Rodriguez
Scénario : Robert Rodriguez
Production : Robert Rodriguez, Quentin Tarantino, Weinstein Brothers
Photo : Robert Rodriguez
Montage : Ethan Maniquis & Robert Rodriguez
Bande Originale : Robert Rodriguez, Graeme Rivell, Carl Thiel
Origine : USA
Durée : 1H45
Sortie française : 14 août 2007




   

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