Dead Set

Big brother is eating you

Affiche Dead Set

Avec l’énorme succès du reboot (nouveau dénominatif branché de "remake") du Dawn Of The Dead de Zack Snyder, les producteurs, toujours réceptifs aux concepts fructueux, n’ont pas hésité à alimenter le mouvement, créant un nouveau revival (nouveau dénominatif branché pour "rétrograde") qui à défaut d’être sincère permettra à bons nombres d’artisans de démarrer ou de revenir sur les rails.


On pense instantanément au vieillot Romero, qui doit bien râler de constater qu’en copiant ses élèves il se retrouve encensé par une critique congratulant par politesse le vétéran pour s'excuser d'apprécier trente années trop tard son talent pour la métaphore prophétique. Mais des artisans dans le domaine, il y en a eu d’autres depuis : Land Of The Dead incluait un caméo d’Edward Wright et de son acolyte Simon Pegg, et ce n’est pas un hasard. Sous ses apparats de comédie sentimentale horrifique, Shaun Of The Dead reste un des rares exemples récents de film original (ni séquelle ni remake) à livrer un véritable univers nanti d’un sous-texte social comme l’eu fait avec la même verve Romero à ses débuts. Danny Boyle également avait, bien avant le réalisateur de 300, eu l’idée de rendre hommage au genre avec son bancal mais jouissif 28 Jours Plus Tard (on va feindre l’oubli des adaptations de Boll et Anderson). Son audacieuse et opportuniste suite réussit de plus le pari de le surpasser. Mais la dernière pellicule horrifique à avoir définitivement convaincu les fans reste [Rec] (et son clone Quarantine, ou comment récupérer un concept sans se fatiguer pour mieux le dénaturer), à l’idée limitée mais ô combien passionnante : compenser le manque d’implication émotionnelle par un régime optimal sur une durée éphémère. Avec ses sensations dignes d’un train fantôme, le film de Plaza et Balaguero rénove le genre sur la forme, laissant de côté intentions idéologiques et commentaires sociaux. Tous ces récents films tendent à devenir de petits incontournables, tous inspirés principalement de l’œuvre de George. Si certains codes ont évolué (bon, ils courent ou ils marchent les zombies ? Pardon, les infectés), la source de fascination reste fondamentalement la même : apocalypse, peur, point de non-retour, une finalité analogue qui reflète l’inconsciente crainte qui nous traverse en fixant cet horizon obscur qu’est l’avenir. Un pessimisme de plus en plus souligné par une imagerie tendant vers le glauque.

Dead Set
 

Ce retour aux origines s’est étendu sur les productions télévisuelles, officialisé par la saga des maîtres de l’horreur. Une noirceur plus prononcée est d’ailleurs notable chez les vétérans tels que Carpenter (Cigarette Burns) ou Argento (Jennifer et Pelts) dont les épisodes de l'anthologie Masters Of Horror restent les plus impressionnants.
Mais si cet engouement demeure palpable, il n’est pas prégnant pour le zombie flick (anglicisme branché pour…. Bon, bref…), les deux seuls épisodes s’y rapportant (Hackle’s Tales et Homecoming) n’entretiennent pas vraiment de lien avec le catastrophisme même si Joe Dante inclue grossièrement un message politique à la tonalité satirique à travers son histoire de revenants jouissant de leurs droits de votes. Il ne restait donc qu’à espérer de voir un tel projet se matérialiser.


DUSK OF THE LIVING DEAD
C’est aujourd’hui chose faite et c’est en Angleterre que ça se passe. Nos voisins créent la surprise avec Dead Set, une mini série qui pourrait bien stimuler nos confrères américains (après The Kingdom, Spaced, Six Sexy, The Office… la liste est longue). Celle-ci a eu le privilège d’être diffusée sur la chaine payante E4 (habituée aux séries ados telles que Skins, Scrubs ou Smallville). On s’enthousiasme donc devant une probable diffusion française (pourquoi pas sur Canal + et beaucoup plus tard sur la TNT, mal doublée, recadrée, censurée ; les paris sont ouverts) sachant que l’idéal serait tout simplement de voir nôtre beau pays se risquer dans ce type d’entreprise.

L’action de Dead Set prend place dans les locaux de Big Brother. Cette émission d’origine Hollandaise est très célèbre en Angleterre et ne cesse d’être exploité dans tous les formats possibles. Elle fut l’origine de l’expression "télé réalité" (confirmant que les programmes antérieurs étaient canularesques), ou comment filmer des gens dans leurs intimités avec le seul but de divertir (dans le cas contraire ça s’appelle un documentaire, ça n'attire par la ménagère). Un procédé souvent décrié mais bizarrement toujours populaire dans le monde entier, l'Hexagone n’ayant lui jamais vraiment accroché malgré les multiples recyclages du concept tels que Loft Story, Les Colocs, Nice People, Secret Story et même la Star Ac' dont les producteurs camouflaient à peine leurs désirs de faire mieux (ou pire) niveau voyeurisme que l’émission de Castaldi. Les limites se font très vite ressentir et un déroulement programmé (malgré les apparences) devient indispensable, remodelant par la même occasion le principe de l’émission. Au final, ce spectacle s’avère surtout utile pour  remplir les caisses lors des opératiques exclusions des candidats tout en comblant les besoins cathartiques d’un téléspectateur au bord de l’ennui : à la télé comme ailleurs, ça mange, ça boit, ça accomplit ses besoins naturels en tentant de respecter les règles d’hygiène et ça converse de tout et de rien. Pour que la futilité d’un tel déballage de néant audiovisuel n’engendre pas de suspicions, les brillants producteurs on eu une idée de génie : insérer des candidats aussi différents que possibles, très stéréotypés et marqués par leur statut social ou marital. Paramètres propices à provoquer disputes, accolades, effets larmoyants et fous rires. On atteint l’excellence si un couple se forme (ou se brise) pour nourrir l’inconsistance de dialogues stériles et de comptes rendus enjolivés à l’extrême permettant à nos cerveaux d’être disponibles tout au long des soirées hebdomadaires.
Or les anglais savent prendre du recul et se moquer d’eux-mêmes. La preuve, la diffusion de Dead Set s’est faite sur une chaîne diffusant corrélativement le Big Brother britannique.

Dead Set
 


28 HOURS LATER

Tout commence lors de la phase d’exclusion d’un de ces fameux prime time. Le public déchaîné brandit des pancartes aux allures de banderoles de manifestations, les candidats s’inquiètent du brouhaha extérieurs et du résultat des votes, le producteur angoissé n’hésite pas à mettre ses employés sous pression quand il ne déverse pas gratuitement et cruellement sa prééminence sur l’ensemble du staff en pleine effervescence. Pendant ce temps, la mère de la future exclue est ramenée en voiture par une employée pour consoler sa progéniture après la sortie. En chemin, ils croisent un véhicule sur le bas côté. Dès l’instant où la perdante sort du pigeonnier, la foule en furie se retrouve attaquée par une sorte d’énergumène agressant les premiers êtres vivants croisés. On comprend très vite sa vorace intention, et ses morsures contaminantes de provoquer un effet boule de neige conduisant au carnage. Quelques extraits d'informations télé laissent sous entendre que le phénomène est national, l’humanité se décime tranquillement pour des raisons inconnues alors que nos stars éphémères, barricadées à l’intérieur de ce foyer isolé, n’en ont pas conscience, du moins pas dans l’immédiat. Du côté du studio, quelques survivants se barricadent dans des bureaux après avoir échappé à l’invasion. Si le chef tyrannique s’arme de patience avec l’ingénue fraichement expulsée, Pippa, une employée, tente d’inspecter les lieux tout en essayant de joindre son petit ami, mais les espoirs de survie sont faibles.

En fusionnant deux univers hétérogène, Charlie Brooker, l'auteur, a une idée derrière la tête : dénoncer la nuisance de ces show télévisés et par extrapolation le conditionnement télévisuel. Sur ce point, il se réfère clairement à la formule Romero  mais l’applique sur une autre structure.
Il débute par la construction d’un portait impitoyable du téléspectateur par le biais de plusieurs situations à l’humour grinçant. Un parallèle est effectué entre les infectés hurlants leur indescriptible rage, accrochées aux grilles du studio et ces mêmes personnes quelques heures auparavant criant sous les effets de l’euphorie leur incommensurable passion. Une caricature soutenue inlassablement par un double sens de lecture grossissant les vices les plus inavouables. Comme lorsque cet infecté enfermé derrière le miroir sans tain épie bêtement le groupe, tel le participant ayant maté une jeune donzelle sous la douche. Ces êtres retirés du monde extérieur en prennent donc eux aussi pour leur grade. Non informés de la situation, ils pensent que l’inactivité de la maison (aucune consigne, caméras inertes) provient d’une nouvelle épreuve du jeu. Si le récit ne traîne pas pour les extirper de ce quiproquo, la satire, elle, fonctionne à plein régime lorsque la jeune survivante déboussolée (héroïne de la série) pénètre dans le loft, son silence laissant planer un doute chez les résidents qui vont en déduire que la nouvelle arrivante est retardée. Personne n’est donc épargné, ni le producteur rageant de voir la diffusion de son prime time menacée par les flash spéciaux, ni la buse de service feuilletant un magazine pour tuer le temps car une infectée garde la porte, ni ce gay (essentiel pour remplir les quotas) trop sensible pour parvenir à exécuter une infectée malgré le danger.

Dead Set
 


BRAINS DEADS
Cet aspect comique contraste avec la cruauté prépondérante au genre. Une bestialité transformant un homme déjà capable d’abattre froidement son coéquipier fraichement mordu, de balancer toutes les vacheries qu’il sait sur un candidat pour le rallier à sa cause ou d’expédier un handicapé moteur contre un infecté pour le ralentir.
L’auteur ne met pas de gants, n’hésitant jamais à mettre en parallèle l’infection évoluant au sein de la foule et le groupe entamant une soirée arrosée juste après l’éviction de la soirée. Un massacre gargantuesque rythmé par le son pop de Mika pendant que les occupants s’adonnent à d’enivrantes activités, prenant ces clameurs pour de l’exaltation immodérée. Tout cela flaire la parabole (enfermé dans une bulle de soie, on ne peut percevoir le malheur des autres) et le recyclage sans pour autant jouer la décalque.

En synthétisant ses diverses références du genre, Charlie Brooker approfondit son analyse sans perdre de vue le lieu de l’action avec lequel est interrogé nôtre rapport à l’image et aux caméras (allusion  à [Rec] et Diary Of The Dead). Mais le traitement global se rapproche d'avantage de la saga imaginée par Boyle. Cela en devient presque embarrassant tant certaines situations paraissent carrément pompées sur les deux opus. Surtout que la notion d’infectés ne fait rien pour infirmer cette impression. En même temps, difficile de ne pas apprécier un tel étalage de tripailles, un tel suspense maintenu sur presque trois heures, d'autant plus que le scénario dévoile intelligemment et progressivement le terme de l’aventure dès sa moitié pour mieux jouer avec le climax. Le piège se refermant peu à peu sur les derniers survivants, la conclusion est dévoilée, l’ambiance se charge en pessimisme laissant espérer une lueur d’espoir dans cette noirceur abyssale.

L’ensemble est bien soutenu par une photographie froide et sombre, des maquillages et effets gore très réussis, un casting sympathique réunissant pour l’occasion des animateurs télé endossant leur propre rôle. Tout cela serait exemplaire si la mise en scène ne posait pas problème. En espérant réitérer le succès du duo espagnol, le réalisateur s’acharne trop à imposer un style impersonnel. Si la vue subjective demeure occasionnellement efficace, son abus agace, de même que ce penchant pour les plans tremblants qui brouillent malencontreusement toute les scènes d’actions et désamorce la tension. Un comble sachant que ces dites scènes sont considérées comme un carburant de l’intrigue.

Dead Set
 


SHOW OF THE DEAD

Une erreur de débutant que l’on pardonne gracieusement pour mieux profiter des atouts de ce long-métrage déguisé, dont l’amateurisme passionné se fait ressentir à chaque minute et nous réconforte sur un point : Dead Set ne marquera pas de manière indélébile l’univers dans lequel il évolue mais frappera les esprits, du moins par sa volonté de bousculer une certaine rigidité du petit écran, chose qui ne risque pas de se produire chez nous. Quoiqu’en y regardant de plus près, de Julie Lescaut à Navarro, de vrais zombies envahissent les programmes depuis plusieurs années, leur emprises s’avérant être indubitablement néfastes pour nos cerveaux. Des cerveaux qui finissent par croire qu’être visé par un objectif symbolise la réussite.
On s’amurera de constater que ces acteurs fugitifs du tube cathodique disposent de toute confort domestique moderne à l’exception d’une réception télé. Pourtant, être derrière un écran et observer des légumes devant une télévision aurait été une curieuse mise en abîme.


DEAD SET
Réalisation : Yann Demange
Scénario : Charlie Brooker
Production : Chrissy Skinns, Charlie Brooker, Annabel Jones
Interprètes: Davina McCall, Liz May Brice,  Warren Brown, Shelley Conn, Beth Cordingly, Adam Deacon, Kevin Eldon, Kathleen McDermott Andy Nyman, Jaime Winstone
Origine : GB
Année : 2008




   

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