The Ward

L'effet pavillon

Affiche The Ward

Alors que le dernier film de John Carpenter, The Ward, sort en salles au Kazakhstan (bordel, au Kazakhstan !), il ne bénéficie même pas d’une sortie technique en France. A ce niveau, on ne peut plus seulement parler de frilosité de distribution mais carrément de sous-développement cinéphilique.


Si un cinéaste n’a pas l’aura de Terrence Malick, une absence de presque dix ans du grand écran est suffisante pour considérer qu’il a perdu son savoir-faire. Le temps où Big John bénéficiait dans l’hexagone d’un statut d’auteur est désormais révolu. Pourtant, le réalisateur n’avait pas totalement disparu pour peu que l’on s’intéresse au bonhomme. Il livra deux très bons épisodes des Masters Of Horror, Cigarette Burns (en 2005) et Pro-Life (en 2006) et est impliqué dans le développement du jeu vidéo F.3.A.R. Ce n’est certes pas grand-chose en termes quantitatif mais suffisamment réjouissant, surtout pour quelqu’un ayant tourné le dos à l’industrie hollywoodienne, complètement lessivé, lassé, écœuré. Malgré tout, la flamme n’est pas complètement éteinte, il fallait juste un peu de patience pour qu’elle se ranime complètement. Après plusieurs faux départs – de L.A Gothic à Riot en passant par Le Treizième Apôtre – c’est finalement le scénario de Michael et Shawn Rasmussen qui sera porté à l’écran. Ainsi, The Ward attise autant l’enthousiasme que la crainte. Joie des cinéphiles pour le retour du maître sur une grande toile mais aussi peur des fans d’assister à son chant du cygne. Si l’envie semble revenue, Big John a-t-il toujours le feu sacré, la maestria dont il est coutumier ?

The Ward
 

La réponse du cœur est un "OUI" tonitruant, mais il convient cependant de tempérer les ardeurs afin de garder raison. Ce n’est pas un chef-d’œuvre mais peu l’escomptait. Ce n’est pas non plus un excelllent film et il ne figurera pas parmi les titres les plus mémorables de sa filmographie. Cependant, Carpenter démontre toujours un certain brio pour mettre en boîte des séquences à l’angoisse prégnante, diriger les acteurs ou caractériser des personnages, pour faire de la vision de The Ward un très agréable moment à défaut d’être vraiment marquant. Et franchement, cela suffit à rassurer sur l’état de santé d’un Carpenter encore convalescent.
Et pourtant, c’était loin d’être gagné, malgré la foi, parfois aveugle, dont on peut faire preuve pour un cinéaste si cher à notre cœur, car il remettait le pied à l’étrier sana ses plus fidèles collaborateurs (Gary B. Kibbe signait la photo depuis Prince Des Ténèbres,  Edward Warshilka était son monteur depuis L’Antre De La Folie) et sans signer la moindre note de la bande-originale. Un défi plutôt bien relevé. Car si la déception prédominera pour certains, n’oublions pas quil a dû composer avec un scénario pas vraiment de haute tenue et encore moins original (les Rasmussen bouffant aux râteliers de – attention de ne pas lire ce qui suit jusqu’à la fermeture de la parenthèse afin de préserver un minimum de surprise. Bon allez, direct au pragraphe suivant ! – Identity de James Mangold et Shutter Island de Scorsese).

En 1966, à North Bend dans l’Oregon, une jeune fille en nuisette incendie une ferme isolée avant d’être rattrapée par deux flics qui l’amènent dans un asile où elle sera internée en compagnie de quatre autres filles. L’aile de l’hôpital psychiatrique où elles sont enfermées faisant l’objet d’étranges phénomènes (entre apparitions d’outre-tombe et disparition successive des pensionnaires) peut être liés au traitement à base d’hypnose du docteur Stringer. L’enjeu pour Kristen (Amber Heard qui, comme dans Tous Les Garçons Aiment Mandy Lane de Jonathan Levine, se révèle aussi bonne que belle actrice) étant de parvenir à s’évader avant d’y passer.
Un scénario simpliste et sans surprises dont Carpenter se départit avec talent puisqu’il parvient à susciter l’intérêt, même dans les passages obligés (exploration, tentative avortée d’évasion, antagonismes avec le personnel médical et certaines filles, etc.). L’élégance des mouvements d’appareils, la formalisation de l’espace d’action, la construction de ses cadres (par endroits, il renoue avec la dangerosité latente de l’arrière-plan et du hors-champ comme dans Halloween), le classicisme de la narration (Carpenter prend le temps d’exposer ses personnages, les lieux et les enjeux), dénotent des capacités intactes de Big Daddy John même si elles ont besoin d’être affinées. Le plus important est de voir qu’il ne s’est pas renié et n’a pas versé dans un cynisme de mauvais aloi.

The Ward
 

Si cette pure série B marque un nouveau départ, c’est dans une certaine continuité. En effet, Ghosts Of Mars voyait le réalisateur aborder pour la première fois des personnages féminins de premiers plans ne se contentant pas de subir les évènements comme Laurie Strode. Ici aussi, Kristen prend les choses en mains avec conviction pour reprendre l’ascendant sur l’institution médicale, son trauma et la figure surnaturelle hantant les lieux. Une évolution qui pourrait se confirmer avec son prochain projet, Dakchylde, adaptation d’un comic book de Randy Queen où une jeune femme est aux prises avec une malédiction démoniaque.
The Ward
est aussi l’occasion de creuser le sillon de son motif favori, le film de siège. Ici, la variante étant que la menace n’émane plus de l’extérieur mais se trouve déjà dans l’espace des protagonistes. Il est encore question d’une lutte territoriale, que ce territoire soit délimité physiquement ou mentalement. Et une fois de plus, la confrontation avec l’altérité est liée au passé de son héroïne, faisant de cette bataille personnelle une catharsis. Soit autant d’aspects développés par Carpenter dans sa filmographie. 
Enfin, come chaque film du maître, celui-ci se conclut par une fin ouverte. Certes moins dérangeante, déstabilisante ou évocatrice qu’à l’accoutumée mais soulignant toujours, avec une certaine ironie, que le combat n’est pas terminé. Et dans le cas présent, se double de l’assertion que Carpenter n’est pas fini.

6/10
THE WARD
Réalisateur : John Carpenter
Scénario : Michael Rasmussen & Shawn Rasmussen
Production
: Peter Block, Doug Mankoff, Mike Marcus...
Photo : Yaron Orbach
Montage : Patrick McMahon
Bande originale : Mark Kilian
Origine : USA
Durée : 1h28
Sortie française : Peut-être après l’exploitation salles dans le Turaqistan…




   

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