Hancock

Héros en herbie

Affiche Hancock

Le film de super héros, depuis quelques années, et notamment depuis le carton planétaire de Spider-Man, est devenu une véritable poule aux œufs d’or pour les producteurs qui, depuis, s’empressent à adapter n’importe quoi, et souvent n’importe comment.


Tout le monde a encore en mémoire les douloureux visionnages de Ghost Rider de la moumoute du Nic Cage, ou des 4 Fantastiques avec son traitement calamiteux des personnages, et un bon paquet de bouses produites par un Avi Arad peu exigeant d’un point de vue artistique. Tant que ça fait de la thune, tout le monde est content. Avec le recul, on se rend compte que ceux qui restent en mémoire sont ceux qui cherchent à approcher différemment le genre et les héros. Et, même si certaines adaptations font partie de cette minorité là (on peut penser à Batman Returns ou Hulk version Ang Lee), la plupart du temps on retrouve des œuvres totalement originales et menées avec une liberté totale, ce qui permet aux films de se détacher du lot justement. Et donc, on se retrouve avec des perles comme, par exemple, Incassable ou Les Indestructibles, relectures totalement libres mais respectueuse du genre, d’où leur réussite certaine. Mais la comédie de super héros n’a jamais vraiment été convaincante, à part quelques exceptions près comme le sympathique Mystery Men, on se retrouve souvent avec des films lourds qui ne laissent jamais transparaître de véritable envie d’entrer dans les codes du genre et, de pourquoi pas, jouer avec (pour une comédie ça peut aider), comme le raté Ma Super Ex d’un Ivan Reitman fatigué, ou le récent paresseux Super Héros Movie. Il fallait donc qu’Hollywood continue à creuser le filon, et un bon film allait enfin finir par sortir. C’est enfin chose faite avec Hancock, vrai faux film de super héros, qui réussit l’amalgame parfait entre le détournement comique des codes du genre et le film d’action efficace qui n’oublie pas de développer un univers propre à lui-même.

D’abord annoncé sous le titre intriguant de Tonight, He Comes et attaché à Jonathan Mostow, le film passera entre les mains de plusieurs réalisateurs aux styles bien différents : l’esthète Tony Scott, le romantique Gabriele Muccino (un choix étrange) et le toujours impressionnant Michael Mann. Finalement rebaptisé Hancock (du nom de son héro), le film finit par atterrir dans les mains de Peter Berg, cinéaste et comédien touche à tout et plutôt prometteur.
Peter Berg est, en effet, un réalisateur qui ne tape jamais dans le même registre. Que ce soit dans la comédie noire (Very Bad Things, imparfait mais prometteur), le film d’action bourrin très 80’s dans l’esprit (le "sympasansplus" Bienvenue Dans La Jungle), le film de sport très premier degré (l’excellent et inédit chez nous Friday Night Lights qui donnera naissance à la série éponyme) et plus récemment le décevant Royaume, produit par Michael Mann (ce qui expliquerait pourquoi Hancock a fini chez Berg). Quatre films donc, tous très différents les uns des autres, même si le bonhomme a toujours plus ou moins montré un certain cynisme dans ceux-là.
Avec Hancock, le cinéaste retrouve l’humour de ses deux premiers films, et livre un film généreux, drôle et prenant, et dans le paysage "super héroïque" actuel, ça fait du bien de voir un film sortir du lot comme ça.

Hancock
 

Dès le départ, Hancock est une comédie, impossible de se tromper. Will Smith y campe un super héros mal aimé, misanthrope et maladroit, qui sauve les gens sans réelle passion et se retrouve avec toute la ville de Los Angeles à dos. Pendant toute la longue exposition, c’est de la pure comédie avec ses situations improbables, mais Berg installe déjà l’idée d'un mixe d’action et de comédie avec une scène d’ouverture très efficace dans les deux genres. On comprend vite que tout le film fonctionnera sur cette dynamique et qu’on passera une heure trente à cent à l’heure.
La seule chose qui fasse vraiment peur reste quand même les effets spéciaux. Un héros qui vole et qui casse tout, ça peut être surtout casse gueule si l’équipe n’assure pas derrière (on a vu suffisamment de films ruinés par des SFX foireux). Et heureusement ici, malgré une première séquence pas vraiment convaincante, les incrustations sont toujours réussies, les vols crédibles et on se prend très vite au jeu.
Techniquement, le film est donc une réussite. En plus des effets spéciaux convaincants, la photo est vraiment soignée (la jolie scène de fin sous la pluie) et c’est très bien réalisé. Les caméras portées, style de prédilection de Peter Berg, sont  ici très bien utilisées, apportant un dynamisme constant au métrage, même lors des scènes de dialogues à table ou autre. Là où pas mal iraient poser leur caméra et servir un champ / contre-champ classique, Berg privilégie l’action constante et donne ainsi une continuité dans sa mise en scène, au rythme soutenu et au style captivant, nous faisant nous sentir proche de l’action.

Au-delà du comique de situation classique, le film joue parfaitement avec les codes du genre. Hancock profite donc de ses super pouvoirs pour foutre une branlée au petit connard de français (Daeg Faerch, loin de son rôle dans Halloween) qui emmerde le fils de l’acolyte d’Hancock, ou alors ce dernier va envoyer chier tout le monde parce qu’on lui reproche de coûter trop cher en travaux avec ses interventions musclées et non maîtrisées. C’est d’ailleurs ici que le film est vraiment bien écrit : les gens n’applaudissent pas le héros à tout va, le maire fait la tronche, Hancock a 600 procès auxquels il n’est pas allé, et le procureur rêve de l’incarcérer. On pense donc aux procès dans Les Indestructibles, et même aux déboires de Superman dans le surréalistement mauvais Superman 3. D’ailleurs, comme l’homme aux collants, Hancock a une sérieuse tendance à l’alcoolisme, sujet pas franchement fendard et traité avec légèreté ici, mais non sans une certaine intelligence (la scène de l’épicerie où il prend réellement conscience de tout, est amenée par l’envie de boire). Parce que Hancock, en plus d’être un rigolo cynique, est un héros qui va mal, vraiment mal. Il ne connaît pas ses origines, personne ne l’aime, et il est le seul de son espèce. Evidemment, le film n’est pas d’une noirceur abyssale, mais le scénario joue bien sur la mentalité changeante du héros et la révélation opérée au milieu du film permet un revirement scénaristique très bien géré.

Hancock
 

Le film prend encore une fois à contre-pied la majeure partie de la production du genre en développant une mythologie assez particulière. Ici on ne cherche pas à savoir le pourquoi du comment, la réponse est mystique. On compare les super héros à des dieux, des anges. Il n’y a pas de rayons gamma, pas d’explosion ou d’insecte mutant, juste un fait : il y a (eu) des être aux pouvoirs surnaturels, capables de choses extraordinaires. Et en même pas 90 minutes, Peter Berg installe et développe correctement cette mythologie, sans trop en dire, mais en donnant juste ce qu’il faut comme informations, tout en laissant flotter cette aura mystique autour du (des ?) héros.
Cette mythologie particulière, dont il est difficile de parler sans spoiler l’intrigue, offre aussi au film ses meilleurs moments, et ce ne sont pas forcément ceux que l’on croit.
Le film dépasse souvent son statut de comédie et offre des moments vraiment épiques et beaux, sans pour autant livrer des combats énormes contre un super méchant ou autre (parce que ici les méchants se sont trois pauvres taulards vénères et pas bien dégourdis), mais plutôt dans la montée émotionnelle provoquée par la révélation de mi-parcours, qui apporte une vraie force au film et qui connaît donc son apogée en fin de métrage, le tout bien aidé par (encore une fois) la jolie photo de Tobias Schliessler (déjà présent avec Berg sur Friday Night Lights et Bienvenue Dans La Jungle, deux films tout aussi réussis à ce niveau-là) et la très belle musique de John Powell.
D’ailleurs le score est très étonnant, surtout pour du Powell. Habitué à livrer des scores forts et puissants, il s’adapte ici très bien à l’ambiance du film et à la personnalité solitaire et dépressive du héros. On retrouve l’esprit très post-rock des musiques des anciens films du réalisateur qui avait fait appel aux géniaux Explosions In The Sky pour Friday Night Lights, et qui avait carrément posé un challenge à Danny Elfman pour Le Royaume. Mais tout cet esprit doux est parfaitement contrebalancé par des thèmes héroïques bien sentis et bien écrits, qui reprennent certains airs connus (on pense souvent à Batman) tout en ayant une personnalité propre. Comme la globalité du film.

Pour se démarquer une bonne fois pour toute, le film se termine par une note pas super joyeuse, et malgré sa bonne résolution, on reste sur une idée plutôt pessimiste. Je ne vais pas spoiler, mais encore une fois la mythologie empêche un total happy end, et même si le film se clôt sur l’idée que tout le monde est bien à sa place et que ceux qui n’avaient pas trouvé leur voie savent maintenant quoi faire, on ne peut qu’être triste pour Hancock, incapable de retrouver le bonheur qu’il avait avant de perdre la mémoire comme on l’apprend au début du film.
Et surtout, une petite chose qui fait plaisir : le film clôt toutes les intrigues, évitant le cliffhanger final annonciateur d’une suite. Là, la boucle est bouclée et une suite n’aurait pas grand intérêt, pour une fois les producteurs l’ont compris.
Niveau action, c’est très généreux, Berg sait comment faire plaisir aux spectateurs et lui donne tout. Avec des effets spéciaux réussis, et des scènes d’action parfaitement dosée et réalisée, toujours lisibles et bien photographiées, au final on ne s’ennuie pas une seconde devant ce divertissement de haut niveau. Pas un grand film en soi, Hancock reste une alternative très sympathique aux films de super héros actuels, en assumant totalement son statut de blockbuster estival décomplexé. En espérant que le réalisateur reste sur cette lancée, et que le film connaisse le succès qu’il mérite.
Décidément, après Speed Racer, l’été s’annonce vraiment bon.

7/10
HANCOCK
Réalisateur : Peter Berg
Scénario : Vincent Ngo & Vince Gilligan
Production : Michael Mann, Will Smith, Akiva Goldsman, James Lassiter…
Photo : Tobias A. Schliessler
Montage : Colby Parker Jr. & Paul Rubell
Bande originale : John Powell
Origine : USA
Durée : 1h32
Sortie française : 9 juillet 2008




   

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