Gardiens De L'Ordre

L'ecstasy et l'agonie

Affiche Gardiens De L'Ordre

Après son ophulsien Le Plaisir (Et Ses Petits Tracas), Nicolas Boukhrief avait juré qu'on ne l'y reprendrait plus : il allait désormais faire du cinéma viscéral (c'est à dire non intellectualisé et non théorisé) et tourné avant tout vers et pour le public.


Cette nouvelle direction se retrouve aussi bien dans ses réalisations ultérieures que dans des scénarios comme L'Italien (une comédie caustique sur fond de terrorisme, rejetée partout avant d'être remaniée pour Kad Merad et tournée l'été dernier par Olivier Barroux).
Si Le Convoyeur est un film à la brutalité assommante, traduisant à la perfection son sujet, aussi bien social que sentimental, Cortex a fait l'effet d'un pétard mouillé par son rythme et sa mise en scène de vieillard grabataire. Pendant la promo de ce dernier, Nicolas Boukhrief rassurait les déçus :  son film suivant, Gardiens
De L'Ordre, sera une descente aux Enfers bien vénère comme il faut de deux "simples flics" dans le milieu fluo des amphétamines. Deux ans plus tard, le verdict ?

Le film, qui débute dans un cadre westernien, aussi bien dans sa musique sifflé que dans sa mise en scène, promet tout de suite l'ambiguïté morale qui transparait dans la note d'intention du projet, la caméra HD portée ajoutant une dimension documentaire à la présentation des personnages, simples citoyens ayant choisi le métier de flics et confrontés à une violence urbaine qui les dépassent.

Passé l'introduction, l'intrigue démarre très vite lors d''une arrestation qui tourne mal chez le fils d'un député. Simon (Fred Testot) et Julie (Cécile de France), présents lors de l'incident, sont accusés de bavure par leur hiérarchie, afin de masquer la présence de drogue sur les lieux du crime (et dans l'organisme du coupable). Ils n'auront pas d'autre choix pour s'innocenter que de mener l'enquête par eux-mêmes.


Gardiens De L'Ordre
 

Autant le préciser tout de suite : Gardiens De L'Ordre perd son intérêt à mesure que son histoire progresse. L'exploration du milieu du monde de la nuit, raison d'être de la caméra HD, est sous-exploitée au profit d'une intrigue qui patauge dans la semoule à cause de son point de départ ahurissant d'incohérence : en effet, difficile de trouver en quoi rechercher la tête du réseau de drogue pourrait améliorer leur conflit avec la hiérarchie du commissariat. Elle déçoit également toutes les attentes que les personnages portent en eux (et mis en avant dans le matériel promotionnel) et dans leurs choix moraux à mesure qu'ils s'enfoncent dans l'illégalité. La photo de l'expérimenté Dominique Colin (chef opérateur pour Gaspard Noé et Cédric Klapisch) oscille alors entre le très laid (déjà à l'œuvre dans Cortex) et les fulgurances stylistiques permises par l'image numérique, présentent le plus souvent lors des scènes de violence, volontairement bridées par Nicolas Boukhrief.
Le film réserve alors comme maigre consolation un final légèrement énervé se concluant avec une facilité déconcertante, en porte-à-faux avec le réalisme revendiqué de l'œuvre, accompagné par le retour de la référence aux westerns qui ouvrait le film.


Il apparait alors qu'en se promettant de ne plus théoriser à outrance son cinéma, Boukhrief est tombé dans la position inverse. En faisant de Cortex un polar destiné aux plus de soixante ans, c'est-à-dire un polar plat et mou comme une érection de nonagénaire (on peut d'ailleurs s'interroger sur la pertinence d'un tel concept, et ce n'est pas le viagra qui va nous persuader du contraire), le cinéaste s'était volontairement mis en retrait de son sujet et de sa star André Dussolier, afin de ne pas choquer les amateurs de l'acteur  (du troisième âge donc ?) ou des personnes susceptibles d'être touché par le sujet. Gardiens
De L'Ordre a été conçu dans la même logique, notre couple de flics restant dans les limites du politiquement correct (et du politiquement chiant) afin de ne pas brusquer les fans de l'humoriste Fred et de Cécile de France version Klapisch. Le caractère violent de Simon, après avoir été autant mis en avant, est expédié en une réplique hallucinante de facilité, le signe poltron d'une histoire qui ne veut pas aller dans des contrées trop lointaines de la morale.

Boukhrief s'est engagé dans une logique qui pourrait bien être l'inverse, et non l'opposé, de la promesse qu'il s'était fait : un refus de toute théorisation du cinéma... et donc une théorie de la non-théorisation, intellectualisée par son réalisateur et lui seul qu'il met sur le dos d'un public (réel ou fantasmé).

Un syndrome qui se traduit peut être dans son refus d'aborder le genre fantastique, son genre préféré, tant qu'il ne se sent pas pr
êt.
On ne peut que lui conseiller de se sortir le balai du fion et d'y aller franco.

4/10
GARDIENS DE L'ORDRE
Réalisateur : Nicolas Boukhrief
Scénario : Nicolas Boukhrief & Dan Sasson
Production : Sylvie Pialat
Photo : Dominique Colin
Montage : Lydia Decobert
Bande originale : Nicolas Baby
Origine : France
Durée : 1h45
Sortie française : 7 avril 2010


Retrouvez Cécile de France et Fred Testot en interview !




   

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