The Lone Gunmen

Les trois stoogeeks

Affiche The Lone GunmenMalgré leur popularité parmi les fans de X-Files, les loufoques Lone Gunmen n'ont bénéficié que tardivement de leur propre série. Une seule et courte saison qui permit de développer ces attachants et drôles de pieds nickelés.


Byers, Frohike et Langly sont trois énergumènes encore plus paranoïaques que Mulder qui apparurent pour la première fois dans la série mère avec E.B.E., dix-septième épisode de la saison 1. Chargé de détendre l'atmosphère, ce trio peut être envisagé comme une sorte d'aide providentielle destinée à mettre sur la voie les deux agents du FBI lorsque leurs investigations patinent, et offre un contre-point aux théories d'un Mulder qui en comparaison apparaît particulièrement mesuré. 

Créés par Glen Morgan et James Wong, ces trois personnages sont inspirés d'adeptes de théories du complot croisés par Morgan lors d'une convention d'ufologie quelques temps avant de se mettre à l'écriture du show. Ils vivent dans un local désaffecté sans fenêtre et dont le point d'entrée est sous surveillance vidéo. Cet obscur QG, qui fait également office de salle de rédaction pour leur feuille de chou The Lone Gunman (en référence à Lee Harvey Oswald, officiellement considéré comme le tireur solitaire qui a assassiné JFK), renvoie au bureau des affaires non-classées tout aussi isolé et dépourvu de lumière. Comme pour Mulder et Scully, la vérité traquée par ces journalistes ne peut être extraite que de la pénombre.
S'ils font partie des personnages récurrents les plus appréciés, leur existence a bien failli être beaucoup plus courte. Et ils peuvent remercier plutôt deux fois qu'une l'homme à la cigarette (et son impérial interprète, William B. Davis). Originellement, Frohike devait mourir d'une balle dans la tête tirée par Cancer Man (comme le surnommait un temps Mulder) à la fin du remarquable Musings Of A Cigarette Smocking Man (4x07). Ce final fut effectivement tourné mais sur les conseils de Davis, Glen Morgan (scénario) et James Wong (réalisation) changèrent leur fusil d'épaule.

The Lone Gunmen

Byers, Frohike et Langly apparaissent ainsi à de multiples reprises au cours des enquêtes du duo et ont même les honneurs du centième épisode qui leur est entièrement dédié : Unusal Suspects (5x03), tourné en premier durant la production de la cinquième saison afin compenser l'absence des vedettes finissant les prises de vues de Fight The Future en Californie, raconte leur formation, définit leurs caractères (naïfs mais toujours prêts à s'impliquer pour réparer les torts et mettre à jour la vérité) et les événements les amenant à sympathiser avec Mulder. Le trio aura droit à un autre épisode en tant que héros, Three Of A Kind (6x20), qui boucle la storyline de Susanne Modeski, une scientifique qui abandonne par scrupule un projet de développement d'une technologie permettant de contrôler les esprits. Leurs performances seront si bonnes qu'elles induiront un certain potentiel chez ces intermittents du show pour leur propre série. Qui verra le jour en 2001, le pilote de The Lone Gunmen étant diffusé durant le long intervalle de cinq semaines qui sépare les deux épisodes de la huitième saison contant le retour d'entre les morts de Mulder (This Is Not Happening, 8x14 et Deadalive, 8x15).
Ce premier épisode entre humour potache, focus sur un des Gunmen et fondation dramatique définit parfaitement ce que sera la série. Son ouverture connaîtra malheureusement un certain retentissement six mois plus tard pour avoir mis en scène de manière quasi-prophétique le détournement d'un avion de ligné pour le crasher sur une tour du World Trade Center. De quoi donner de l'eau au moulin des théories complotistes que n'auraient pas renié les Lone Gunmen eux-mêmes !



Malgré cette noirceur a posteriori, la personnalité des trois protagonistes dictera à ce spin off une ambiance beaucoup plus légère que la dépressive Millenium, et ne traitera pas de paranormal afin de ne pas marcher sur les plate-bandes de X-Files. Les treize épisodes aborderont diverses opérations clandestines couvertes par des officines gouvernementales sans être directement liés au fil rouge mythologique suivi par Mulder et Scully, mis à part lors du dernier épisode, All About Yves.

The Lone Gunmen

Bénéficiant des mêmes équipes techniques et artistiques que la série principale, The Lone Gunmen est un show à l'esthétique soignée, à la photo travaillée comme chez sa grande sœur sur les contrastes de noir - notamment par le biais des jeux de lumière émanant des lampes frontales utilisées par les trois compagnons lors de leurs opérations. Si la série sert quelque peu de soupape récréative aux auteurs, son écriture reste sérieuse et les intrigues, moins ambitieuses, s'affinent à mesure que les caractères du trio se développent. S'intéressant essentiellement à tout ce qui à trait à la sphère conspi, les treize épisodes abordent le complexe militaro-industriel (Pilote, 1x01, All About Yves, 1x13), la reprogrammation cérébrale (Madam, I'm Adam, 1x06), l'expérimentation gouvernementale secrète (Planet Of The Frohikes, 1x07), l'espionnage (The Cap'n Toby Show, 1x12, The Lying Game, 1x11), la recherche d'un criminel nazi (Eine Kleine Frohike, 1x03), la préservation électorale par le meurtre (Three Men And A Smocking Diaper, 1x05) ou encore le fameux moteur à eau (Like Water For Octane, 1x04).

The Lone Gunmen

Afin de dénicher la preuve qui authentifiera les histoires publiées dans leur gazette, les Lone Gunmen s'embarquent toujours dans des interventions rocambolesques qui renvoient au mode opératoire des équipes de Mission : Impossible. Mais pour ces trois-là, il s'avère vraiment impossible de parvenir au but comme le prouve la plupart des pré-génériques débutant par une de leur opération bien pensée mais à l'exécution foireuse, se concluant de manière désopilante non sans oublier de définir les enjeux de l'opus à suivre (voir le remarquable Madam, I'm Adam mettant en scène un homme persuadé d'être chez lui et croisant l'arrivée du véritable propriétaire des lieux, les deux se déplaçant de concert dans la maison !). Ainsi, le pilote les montre tenter de reproduire le casse du siège de la CIA du film de De Palma mais Frohike dans le rôle d'Ethan Hunt en suspension finit empêtré dans son harnachement. C'est d'ailleurs lui qui est souvent envoyé en première ligne pour une réussite plus qu'aléatoire à cause de sa tendance à la précipitation (éclatant exemple avec Eine Kleine Frohike où il éprouve les pires difficultés à confondre une ancienne empoisonneuse nazie). Dans l'introduction du second épisode (Bond, Jimmy Bond), le trio met au point un subtil stratagème pour tromper un businessman japonais responsable d'une flotte de baleiniers avec Frohike en disciple câblé de Neo mais sa maladresse et son emportement font littéralement écrouler le dispositif. 

The Lone Gunmen


NOUVEAUX MEMBRES
Aussi complémentaires et doués soient-ils en théorie(s) - John Fitzgerald Byers est le leader garant de l'éthique du journal, Melvin Frohike est l'as de la bricole et Richard "Ringo" Langly est le hackeur de génie - nos héros accusent quelques lacunes en matière d'action. Ces manques sont compensés par deux personnages qui acceptent de mettre leurs compétences à leurs services. Enfin, ce n'est pas si évident que ça pour Yves Adele Harlow, espionne et femme fatale retorse très douée pour leur damer régulièrement le pion après les avoir aidés. Interprétée par la sculpturale Zuleikha Robinson, ce personnage dont le patronyme est un anagramme de Lee Harvey Oswald est introduit dès le pilote et restera un adversaire de choix avant de devenir un indéfectible allié du trio dans son entreprise de révélation de la vérité. Si son évolution (d'individualiste forcenée à partenaire précieuse) ne l'empêche pas de suivre son propre agenda, la défloraison de ses motivations et de sa personnalité sera finalement le fil conducteur de cette unique saison. Sous des abords assez froids, l'espionne dévoilera une fragilité touchante (Tango De Los Pistoleros, 1x10, All About Yves), consentant à collaborer avec les Gunmen bien souvent pour leur permettre de réparer les bourdes à son détriment, rendant son personnage bien plus complexe. Et grâce à son système de maquillage ultra perfectionné,Yves Adele donne une touche finale à l'esprit Mission : Impossible de la série.

The Lone Gunmen

Ces quatre personnages ont beau être agréablement dépeints, leurs jargons et références pointus sont difficilement assimilables pour le commun des téléspectateurs peu familiers de cet univers undercover. Afin de palier à ce problème, et apporter un peu de muscle à nos trois bras cassés, les auteurs leur adjoignent Jimmy Bond dès le second épisode, le bien nommé Bond, Jimmy Bond. La mentalité très premier degré de Bond, bellâtre limité intellectuellement mais très sympathique (il s'exprime sans filtre, subventionne le journal de bon cœur) fait de ce candide le parfait relais des Gunmen. Sous ses allures de musculeux crétinoïde se révèle un personnage à l'enthousiasme débordant et communicatif, doté de l'intelligence émotionnelle qui fait défaut aux Byers, Frohike, Langly et Yves. Jimmy est certes l'objet de sarcasmes faciles sur ses lacunes élémentaires et sa naïveté mais il sait toujours faire preuve de raisonnement intuitif et pragmatique qui lui permet de dénouer plusieurs situations inextricables. Lors de sa présentation, il est en charge d'une équipe de football américain composé d'aveugles qui se dirigent grâce à ses instructions "avisées" mais réagissant surtout aux impulsions sonores émises par un ballon spécial captées par le sonar de leurs casques, ce qui vaut quelques gags impayables dignes du slapstick.
Cet ajout indispensable va rapidement outre-passer son simple rôle de faire-valoir et parvenir à faire entendre sa voix, comme avec 
Planet Of The Frohikes, qui joue parfaitement de son image de primate un peu niais en la surlignant pour mieux en démontrer l'inanité : après un énième sauvetage raté, Jimmy est retenu dans le laboratoire Boulle, centre d'émulation de chimpanzés, et se retrouve assis parmi eux. Au final, c'est le seul à avoir compris instinctivement le plan élaboré par Simon le singe surdoué qui avait mis l'équipe sur sa piste. Sa lecture des événements ne s'embarrasse certes pas de subtilité mais lui assure un point de vue juste et empreint de l'empathie nécessaire (Maximum Byers). Si les Lone Gunmen s'attachent à révéler une vérité factuelle, Jimmy, lui, n'est stimulé que par celle des sentiments.

The Lone Gunmen


SO LONELY
Lorsque Jimmy Bond rencontre les Gunmen pour la première fois, il leur montre exactement ce qu'ils sont : des parias rarement considérés à leur juste valeur, œuvrant dans l'ombre pour faire de cet endroit un monde meilleur. Et si leur association avec Jimmy, puis sporadiquement avec Yves, fonctionne si bien, c'est simplement parce que chacun trouve dans cette entente un moyen de combler sa propre solitude. C'est cette détresse affective qui transparaît en filigrane au long de ces treize épisodes, détresse vécue par chacun, qui vient encore les hanter lorsque le passé se rappelle à eux (Eine Kleine Frohike, The Cap'n Toby Show, Tango De Los Pistoleros, The Lying Game...) et qu'ils ne peuvent repousser que collectivement grâce aux liens tissés entre eux. 

The Lone Gunmen

Bien évidemment, cette unique saison questionne également les apparences auxquelles les Gunmen sont sans cesse confrontés, apparences qu'ils doivent percer pour avancer (Madam, I'm Adam, Diagnosis Jimmy, The Lying Game...). Ce jeu de masques prend une tournure décisive lors du dernier épisode, All About Yves, où tout n'est que supercheries, d'autant moins discernables qu'elles se présentent sous des atours rassurants. Confrontés à Morris Fletcher (le bonimenteur ayant "switché" son esprit avec celui de Mulder dans le diptyque Dreamland, 6x04 et 6x05), le trio est mené en bateau, jusqu'à leur perte, lors d'un cliffhanger conclusif. Cette fin abrupte suite au non renouvellement de la série par la Fox est d'autant plus frustrante que The Lone Gunmen avait fini par trouver son rythme de croisière. Il n'y avait sans doute pas matière à développer la série au-delà d'une seconde saison mais elle aurait mérité une conclusion plus en douceur, d'autant que le taux d'audience de cette saison était supérieur à celui de la première année de X-Files.

Jump The Shark

Malgré tout, nos baroudeurs de la vérité ont bien mérité une sortie digne de leurs actions. Elle intervient dans l'épisode Jump The Shark (9x15) de la série mère, où ils ont une nouvelle et dernière fois la vedette aux côtés des remplaçants de Mulder, John Doggett et Monica Reyes : Byers, Frohike et Langly y sont encore aux prises avec Fletcher, soldant ce qui n'avait pu l'être un an plus tôt, même si ces quelques lignes de dialogues évasives demeurent un brin insatisfaisantes. Cependant, ce segment rondement mené autour d'une affaire de bombes humaines se faisant sauter pour libérer un virus mortel permet de donner une fin de parcours héroïque à nos trois stoogeeks qui [SPOILER] se sacrifient afin de préserver des milliers de vies humaines. Ils reviendront une dernière fois dans le tout dernier épisode de X-Files, The Truth (9x19), mais en tant que délire mental de Mulder. [FIN SPOILER]

Il n'est pourtant pas exclu qu'ils reviennent vraiment d'outre-tombe à l'occasion de la dixième saison, car après tout, personne ne reste définitivement mort dans cette série.




THE LONE GUNMEN
Créateurs : Chris Carter, Vince Gilligan, John Shiban, Frank Spotnitz
Réalisateurs : Bryan Spicer, Richard Compton, Carol Banker, Rob Bowman, David Jackson, John T. Kretchmer, Vincent Misiano
Scénario : James Wong, Glen Morgan, Thomas Schnauz, Nandi Bowe, Collin Friesen, James Morgan
Production : Chris Carter, Vince Gilligan, John Shiban, Frank Spotnitz, Bryan Spicer...
Photo : Barry Donlevy & Robert MacLachlan
Montage : Nina Gilberti, Edward Salier, Kevin Krasny, Jimmy Sandoval, Chris Willingham
Bande originale : Mark Snow
Origine : Canada / USA
Durée : 13 x 45 minutes
Première diffusion : 4 mars 2001




   

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