J'Irai Dormir A Hollywood

Leçons culturelles sur l’Amérique au profit glorieuse nation France

Affiche J'irai Dormir à Hollywood

A vrai dire, depuis l'arrêt du mythique Opération Frisson, J'Irai Dormir Chez Vous est tout simplement la dernière émission de télé susceptible de me pousser à allumer ma télé.


Car oui, l'amusant concept d'Antoine de Maximy, partir seul dans un pays étranger armé de deux caméras et s'inviter chez les gens, reste l'une des seules émissions de télé française dont le principal but n'est pas de pousser les téléspectateurs à s'enfermer à double tour dans leurs F2 parce que des pédophiles-téléchargeurs-de-la-nébuleuse-Al-Qaïda-fans-de-GTA-jeunes-à-capuches-flous-et-pyromanes traînent dans les rues en attendant de les manger tout crus.

De ce point de vue, J'Irai Dormir A Hollywood reste fidèle à la série. On soulignera en particulier une séquence très significative où Antoine est mis en garde par un "gardien du seuil" à l'orée d'un quartier chaud de la Nouvelle Orléans : "Surtout n'y allez pas". Le héros, haussant les épaules et regardant le spectateur droit dans les yeux, lui avoue qu'il a bien envie d'y aller quand même. Une séquence fidèle à l'esprit de la série, parce qu'à l'opposé de ce qu'on a l'habitude de voir.
Cependant, étant donné le pays traversé, on aurait pu craindre que le film surfe un peu trop sur les sujets politiques ou sur les évènements récents, délaissant ce traitement à hauteur d'homme qui faisait la force de la série. Mais même si le choix de certaines séquences pourrait le laisser penser (la visite de la Nouvelle Orléans, le raciste, le clochard...), dans tous les cas les individus passent avant la société, et aucun commentaire ne vient nous dire quoi penser, hormis à la toute fin. J'Irai Dormir A Hollywood étale une variété de populations telle que les médias ne nous les montrent jamais, sans pincettes ni fascination hébétée (voir le traitement médiatique français des élections présidentielles américaines). Variété d'autant plus étonnante qu'en France, le complexe d'infériorité face à l'Oncle Sam depuis les plages du débarquement pousse trop souvent nos compatriotes à la caricature.

J'irai Dormir à Hollywood
Une grue en bois ! Tremble Peter Jackson !


Malgré le fait que long-métrage soit produit par la même société que la série (Bonne Pioche, heureux initiateurs de La Marche De L'Empereur, dont l'objectif semble être pour eux aussi de "dormir à Hollywood"), celui-ci s'écarte de la version télé de manière assez problématique. Le choix des musiques a par exemple été confié à Béatrice Ardisson, qui ajoute une touche branchouille et sophistiquée franchement inadaptée au film (on dirait que Baffie va débarquer au milieu d'une scène pour lancer une vanne). Plus grave, le principe même de la série a été écarté, puisqu'Antoine ne s'invite plus à dormir chez les gens, mais seulement chez une star à la fin de son voyage. L'indispensable tension dramatique s'en trouve alors très largement affaiblie : le héros parlera de son objectif une ou deux fois avant d'y être vraiment confronté à dix minutes de la fin. Là où la série créait une vraie tension dans la tête du téléspectateur ("Va-t-il réussir à dormir chez eux ?!"), le film ne crée plus rien, sinon une suite de scènes rocambolesques sans vrais objectifs à part un petit obstacle de temps en temps (réparer un corbillard, s'échapper de la maison d'un fou furieux...). Ce qui servait de prétexte, de liant et de moteur à l'émission manque cruellement à la version cinéma, de Maximy se retrouvant à errer au hasard d'un endroit à un autre sans but précis.

On se raccroche alors à une cascade de situations de ouf dans laquelle le personnage est entraîné. Le voyageur à la chemise rouge croise toutes sortes de personnages plus dingues les uns que les autres, enchaînant folles rencontres et situations bizarres. Mais si cet enchaînement paraît plutôt sympa au premier abord, il pose problème, car le montage ne nous donne pas vraiment d'indications temporelles. On notera que les excellents monteurs de la série ont été gentiment mis de côté au profit de Stéphane Mazalaigue, coupable des derniers Lelouch, et la différence s'en ressent méchamment. Le film donne l'impression que le voyage dure une ou deux semaines, mais on ne peut s'empêcher de se demander comment autant de situations exceptionnelles peuvent arriver en aussi peu de temps. Car en réalité, le voyage du documentariste a duré trois mois, mais le montage essaye de nous faire croire qu'il a duré beaucoup moins. Cette indécision entre le temps qui passe et le caractère "incroyable" des évènements nuit gravement à l'immersion. Au fur et à mesure du road trip du héros, on se rend compte qu'il manque des choses, que des grosses portions de son voyage ont été coupées (voir le passage à Las Vegas, emballé en dix secondes avec une voix off justificative enregistrée à l'arrache.) Alors que la série est plus crédible dans la gestion du temps et des évènements (les tournages durent seulement deux semaines), le film enchaîne les situations irréelles, ce qui en soit est plutôt amusant, mais fait perdre cette sensation de voyager via un écran que la série avait si bien rendu. Bref, on se retrouve avec un Borat en moins drôle et en moins rythmé.

On restera également sur sa faim au vu de la conclusion, dotée d'une morale un peu bidon et pas franchement transcendante (morale qu'on peut légitimement soupçonner d'avoir été prévue à l'avance). Là encore, on ne peut s'empêcher de faire la comparaison avec la série, qui osait ne jamais dresser de constat, et se focaliser uniquement sur les individualités plus que sur la société.
On se contentera donc de cette adaptation à moitié convaincante pour nous faire patienter avant la suite de la série (actuellement en tournage), tout en priant pour que le film n'ait pas déteint dessus.

6/10
J'IRAI DORMIR A HOLLYWOOD
Réalisateur : Antoine de Maximy
Scénario : Antoine de Maximy, Arnold Boiseau
Production : Yves Darondeau, Christophe Lioud, Emmanuel Priou
Photo : Antoine de Maximy
Montage : Stephane Mazalaigue
Bande originale : Fabrice Viel
Origine : France
Durée : 1h40
Sortie française : 19 novembre 2008




   

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