Gérardmer 2011 : Les courts-métrages
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- Bobine minute par l'ouvreuse le 3 février 2011
Court, Gérardmer, court !
Le bilan final est à l’image des éditions précédentes : mitigé.
LE VIVIER de Sylvia Guillet
Nous mentionnions la touche auteurisante, la sélection ne nous a pas fait attendre longtemps. Il y avait de quoi rendre intéressante cette histoire de métamorphose progressive d’un homme en triton / poisson (assumons le spoiler). Malheureusement la réalisatrice préfère mettre sous l’éteignoir tout l'aspect fantastique de son postulat pour se focaliser sur le point de vue de l’épouse du malade : cette dernière lave le linge, boit du thé glacé, regarde la photo de son mariage, caresse son chat (ou son mari, selon l’humeur du moment). Bref, rien de bien emballant dans ce train-train quotidien. N’oublions pas non plus l’inévitable côté symbolique lourdement souligné par un tableau dont l’image se modifie au fur et à mesure de l’évolution de la maladie. French touch quoi. A noter néanmoins un dénouement tragi-comique plutôt bien vu, qui ne parvient hélas pas à faire oublier la préciosité de l'ensemble.
L’avis de Jacques-Yves Cousteau : "Splash sans la fesse de Daryl Hannah."
BLOODY CHRISTMAS 2 : LA RÉVOLTE DES SAPINS de Michel Leray
Leray ressert son concept certes sympa (un sapin de Noël extrêmement agressif attaque tous ceux à sa portée), mais réchauffé. L’élément de surprise, bien souvent primordial dans les courts-métrages, est du coup inexistant, suite oblige. Ce manque de renouvellement est préjudiciable à un film qui ne brille pas vraiment par sa mise en scène. Le spectateur doit par conséquent revoir ses attentes à la baisse : on n’aura pas droit ici à une séquence de l’acabit de l’hommage que le premier opus rendait à Die Hard. D’autre part, l’humour potache est souvent lourd, les dialogues visent la punchline à tout prix mais n’atteignent que rarement leur objectif. Il en ressort l'impression que Leray fait du surplace. Une déception.
L’avis d’Aurélien Férenczi : "Deux films ? C’est trop."
MANDRAGORE de Fabrice Blin
On y a cru. Pendant les trois quarts de Mandragore on pense avoir quelque chose de relativement sympa à se mettre sous la dent. L’interprétation est correcte, la réalisation efficace et fonctionnelle (ce qui dans le cadre d’une compétition de court n’est déjà pas si mal) et le scénario ménageait suffisamment de mystère pour donner envie de découvrir le fin mot de l’histoire (qui est cet amnésique ? Quels sont les pouvoirs de la femme qui le recueille ?). C’est alors qu’arrive le dernier acte : toute l’atmosphère si particulière émanant du lieu de l’action (une masure perdue en lisière de forêt) est gâchée par un rebondissement tombant comme un cheveu dans la soupe. Bref, ça commence comme un Twilight Zone et se termine comme un Chair De Poule. Frustrant.
L’avis de Mémé Ciredutemps : "Ces p'tits gars de la ville, y zont rien compris à la têtologie."
CABINE OF THE DEAD de Vincent Templement
Un film de zombie. Encore. A croire qu’il y a un quota à remplir lors de chaque édition. Ne cherchez aucune originalité ni regard neuf dans ce court, le titre témoignant déjà d’une regrettable absence de fraîcheur (à quand Dead Of The Dead ?). Les gags sont poussifs (on rigole deux ou trois fois), le jeu des acteurs est au mieux approximatif, donc en osmose avec la réalisation. Consolation : on n’atteint pas les abîmes de l’autosatisfaction geek de Paris By Night Of The Living Dead présenté à l’édition 2009. Il serait temps de comprendre que le meilleur service à rendre à un thème aussi galvaudé est de la laisser tranquille un moment. Un long moment.
L’avis de George Romero : "Je le laisserai tranquille seulement après Ecurie Of The Dead."
NO FACE de Mathilde Arnaud & Jean-Yves Arnaud
Certainement le court le plus travaillé techniquement, ce film bénéficie également d’une durée plus réduite (huit minutes) qui amplifie son impact. D’autre part, la qualité des effets spéciaux (surtout pour un court) est irréprochable. Hélas, si l’idée autour de laquelle s’articule l’histoire est assez originale, le couple de réalisateurs semble très vite s’en contenter et ne s’embarrasse pas vraiment d’une histoire pour soutenir celle-ci. D’autre part, l’interprétation de certains seconds rôles laisse à désirer. Enfin, l’absence d’un réel dénouement laisse le spectateur sur sa faim. Pourtant, malgré ces défauts, il s’agit sans doute d’un des meilleurs courts présentés à Gérardmer cette année. Même si les esprits chagrins répondront que cela n’était pas très difficile.
L’avis du Mime Marceau : "… !"
LE MIROIR de Sébastien Rossignol
De par le traumatisme de son héroïne et l’esthétique de cette dernière, ce court fait immédiatement penser aux Yeux Sans Visage, le célèbre chef-d’œuvre de Franju. Il y a pire, comme référence. De plus l’ambiance onirique et éthérée du récit (surtout dans sa seconde moitié) est relativement soignée. Notons enfin qu’à défaut d’être réellement inspiré dans sa mise en scène (plutôt plate), le réalisateur a eu la clairvoyance d’aller chercher le matériel premier de son scénario dans une nouvelle de Claude Seignolle, probablement le meilleur auteur fantastique français que vous ne lisez pas. Vous êtes d’ailleurs sommés de dévorer toutes affaires cessantes des nouvelles comme Le Dormeur, Nuits, Le Venin De L’Arbre ou encore Ce Que Me Raconta Jacob, entre autres.
L’avis de Jean Ray : "Pour l’adaptation de mes Harry Dickson, c’est quand vous voulez hein."
RED BALLOON de Damien Macé & Alexis Wajsbrot
Une condition sine qua non à la réussite d’un court métrage (ou d’un métrage tout court, d’ailleurs) est un script en béton armé. Et malheureusement, on s’aperçoit vite que cela n’a pas vraiment été au centre des préoccupations des deux réalisateurs de ce film. En effet, ces derniers ont préféré profiter du postulat hyper classique de la jeune baby-sitter dont la nuit de garde tourne (très) mal pour mieux y caser un maximum de références horrifiques sans se soucier d’une quelconque cohérence narrative entre elles. Nous avons donc droit au cauchemar avec fillette zombifiée incluse, au miroir ne reflétant pas exactement ce qui se passe dans la pièce et au maniaque fou dangereux caché dans un déguisement de peluche géante. Pris isolément, chacun de ces sujets aurait pu faire un bon court, surtout que les réalisateurs sont plutôt doués pour faire monter la tension (bien que cédant un peu trop au sempiternel jump scare), mais au final, c’est surtout une impression de cacophonie thématique qui se dégage du film. Vraiment dommage.
L’avis de John Carpenter : "Moi, c’est Halloween. Eux, c’est carnaval. Faut pas confondre."
Cette cuvée 2011 ne nous aura pas réservé d’excellentes surprises du calibre de celle qu’avait été Toute Ma Vie lors de l’édition précédente.
C'est donc Le Miroir, film le plus achevé artistiquement, que le jury a désigné comme gagnant. Si cela pouvait contribuer à encourager la génération des auteurs geeks à produire autre chose que des rip off de Shaun Of The Dead, ce sera toujours ça de gagné.