Doomsday

Anarchy in the U.K.

Affiche Doomsday

Ecosse, 2008. Un nouveau virus, le Faucheur, fait des ravages dans toute la population. Très vite l’épidémie devient totalement incontrôlable. Pour éviter la contamination de l’ile dans son entièreté, les autorités décident de mettre l’Ecosse en quarantaine. Toute l’Ecosse.


Un mur gigantesque, réminiscence du Mur d’Hadrien de l’antiquité romaine, est ainsi érigé tout autour de la zone contaminée. L’idée est simple : plus rien n’entre et, surtout, plus rien ne sort.
Et tant pis pour les survivants coincés à l’intérieur.

Angleterre, 2035. Le virus Faucheur a refait son apparition. A Londres. Dans un climat de tension sociale chauffée à blanc, le gouvernement n’a plus qu’une solution : aller chercher un remède là où tout a commencé.
En Ecosse. Autant dire en enfer. A la tête du commando chargé de la mission, le Major Eden Sinclair (Rhona "raaaaaaaaah" Mitra), une écossaise rescapée de la nuit où le Mur s’est définitivement fermé.
Des barbares déchaînés. Des cannibales. Des dégénérés fanatiques.
Des morts, des morts, et encore des morts. Welcome Home, Major.


BRAVE HARD
"It’s a movie made for you guys!"

C’est par ces mots prometteurs que le réalisateur anglais Neil Marshall a terminé sa courte présentation de Doomsday devant le public déjà conquis du BIFFF (Le Festival International du Film Fantastique de Bruxelles pour les non-initiés). Et honnêtement, à cet instant, il n’y a aucune raison pour le spectateur de ne pas le croire.
En effet, Marshall n’en est pas à son coup d’essai. Son second film, Dog Soldiers, très correcte série B où un peloton de l’armée de sa très Gracieuse Majesté affrontait une horde de loups-garous dans la cambrousse écossaise, avait suscité l’enthousiasme des amateurs.
Au point de remporter le grand prix du même BIFFF en 2002. Hé oui, quand même. Mais son véritable coup d’éclat, Marshall le réalise en 2005 avec le magistral The Descent, un film méritant réellement (pour une fois) le qualificatif de "viscéral". Très sombre, sans concession, possédant plusieurs niveaux de lecture et réellement effrayant, The Descent avait été une des excellentes surprises de l’année. Ce qui au fond met Marshall en position délicate : faire mieux que The Descent ne sera pas chose facile. Tout le monde l’attend au tournant. Et ça, Marshall le sait.

Pour Doomsday, Marshall va s’engager dans la voie relativement balisée du survival post-apocalyptique. Citant ouvertement comme références deux maîtres étalons du genre, à savoir Mad Max et Escape From New-York, Marshall éveille très vite la curiosité des fans.
Des fans qu’il connaît bien et qu’il comprend d’autant mieux qu’il est lui-même un grand amateur du genre. Servi par un casting plus haut de gamme (quoique…) que sur ses films précédents, Doomsday nous offre Rhona Mitra en héroïne bad-ass, Bob Hoskins en policier revenu de tout et Malcom McDowell en seigneur médiéval régnant sur les survivants écossais.  Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, le spectateur attentif reconnaîtra également bon nombre d’acteurs ayant figurés dans Dog Soldiers et The Descent.
Bref, avec tous ces éléments dans la balance et cette déclaration préliminaire pouvant s’apparenter à une profession de foi, Marshall met la pression.
L’impatience est à son comble. Le spectateur voit s’éteindre les lumières de la salle en débordant de confiance. Il en est sûr, il en est persuadé, il le sait : il va aimer ce film.
Ou pas.

Doomsday


 

PROJET CHAOS
Imaginez un peu : vous êtes cuisinier. Une valeur montante, en fait. Certains critiques commencent même à vous considérer comme un Chef. Vous avez décroché une étoile pour vos dernières prouesses, très largement reconnues et commentées par la profession. Et là, vous avez une idée. Vous prenez un chaudron et vous décidez de réunir à l’intérieur tous les plats que vous aimez. Comme ça, sans ordre particulier. L’essentiel, c’est qu’ils y soient tous. Ensuite, vous touillez un peu. Vous faites chauffer à feu doux. La couleur a l’air sympa.
Même l’odeur vous amène l’eau à la bouche. Puis arrive le moment de goûter le résultat. Et lorsque, confiant, vous avalez le brouet improbable, vous comprenez soudainement l’essence même du concept de "fausse bonne idée".

Hé bien, toutes proportions gardées bien entendu, Doomsday, c’est un peu ça.
Le caractère hautement référentiel de ce film laisse effectivement rêveur.
Récapitulons : on a cité plus haut Escape From New-York, de qui vous savez (non, pas Voldemort, bande de comiques) (nd nicco : ben de Rohmer). La filiation est évidente. Omniprésente, même : la mission suicide, un anti-héro nihiliste comme personnage principal, la zone d’action clairement circonscrite dont on ne revient pas, l’échéance rapprochée, aucune aide à attendre de l’intérieur ni de l’extérieur, peu (voire aucun) de personnages pouvant être qualifiés de "gentils", des autorités corrompues ou au mieux, incompétentes… Bref.
On a parlé également de Mad Max, de qui vous savez aussi (mais pas le même) (nd nicco : Rivettes ?).
Là aussi, les éléments communs pullulent : le look des survivants écossais renvoie directement à celui des hordes de dégénérés hantant les routes australiennes. Clous, cuirs, tatouages, crêtes, scarifications… La totale. Sans oublier la poursuite clôturant Doomsday, qui est une relecture avouée de celle qui termine Mad Max 2.
Du reste, pour ceux qui ne l’avaient pas encore compris, deux des soldats du commando chargé de la mission s’appellent Carpenter et Miller. Difficile d’être plus clair (nd nicco : Rohmer et Rivettes ça aurait mieux donné)
Mais le festival n’est pas encore terminé : les allusions continuent tout au long du film. L’amateur identifiera ainsi bon nombre de références à d’autres films "cultes". Dans le désordre : 28 Jours Plus Tard, pour l’aspect ville morte dans laquelle règnent les infectés/barbares ; de plus, tout comme dans le film de Danny Boyle, l’élément déclencheur de la catastrophe est un élément bactériologique. Il est intéressant de constater que ce type de menace a été mis en exergue deux fois de plus cette année avec le bon 28 Semaines Plus Tard et le vraiment moins bon Je Suis Une Légende… Une nouvelle mode ?

Il y a également la préparation du commando à sa mission, qui fait immanquablement penser au grand classique Aliens, de Cameron. Sans oublier le Major Sinclair qui, non contente de mal imiter Snake Plissken, tente vaille que vaille de s’inspirer des habitudes tabagiques du personnage de Napoléon Wilson de Assault On Precint 13 du même Carpenter : "Got a smoke ?". D’ailleurs, à bien y réfléchir… un personnage féminin de militaire… ayant le grade de Major… une femme d’action… appartenant à une section d’élite… une leader incontestée… ça ne vous rappelle pas le major Kusanagi de Ghost In The Shell ? Quitte à parler d’imitation, on se doit de citer le personnage de Sol, joué par Craig Conway, un habitué des films de Marshall (il a joué un des terrifiants Crawlers dans The Descent). Celui-ci fait ici curieusement penser au personnage joué par Michael Berryman dans La Colline A Des Yeux version Wes Craven.
Mais si… Berryman… L’acteur avec sa tête complètement impossible, sorte d’Oncle Fester maigre (et sans maquillage). Et ce n’est pas la nature de cannibale des deux personnages qui est faite pour dissiper cette impression. Quant au passage où le commando, prisonnier des sbires médiévaux de Malcom MacDowell, traverse les merveilleux paysages naturels des landes et collines écossaises, il fait fort songer à certains plans de La Communauté De L’Anneau. Tout ça, dans une ambiance renvoyant à bon nombre de films bis italiens des années 80. Dans ces conditions, le spectateur hagard n’est même plus surpris quand on lui assène une référence directe (et verbalement exprimée par un personnage du film) aux Aventuriers De L’Arche Perdue. Enfin, un esprit surmotivé (voire légèrement psychotique) irait même jusqu’à repérer une vague allusion dans le nom même du méchant Sol. Sol est probablement le diminutif pour le nom de Solomon. Or, le personnage de Sol est le fils du perso joué par McDowell : Kane. Cela donne Solomon Kane… un héros littéraire créé par l’immense et immortel Robert E Howard. Mais on se tromperait sûrement en disant ça. Oui.

Doomsday
 

Et voilà. "Tous les plats que l’on aime", disait-on. Oui. Sans doute.
Mais cela fait beaucoup. En fait, cela fait beaucoup trop. D’autant plus que face à Kurt Russel, Rhona Mitra ne fait vraiment pas le poids. Et ce n’est pas en la rendant borgne et en ne la montrant jamais sourire qu’on parviendra à rendre le major Eden Sinclair aussi classe et charismatique que le légendaire Snake Plissken. D’autre part, ce n’est pas en filmant de manière épileptique que l’on obtiendra le caractère totalement désespéré et dément de la poursuite clôturant le film le plus mad de tous les temps (qui est, comme chacun sait, Mad Max 2). Sans oublier qu’une Bentley, aussi rapide soit-elle, ne vaudra jamais, jamais, une Interceptor.
Bref, Marshall a oublié qu’un clin d’œil n’a de saveur que lorsqu’il s’intègre à un tout cohérent, possédant sa personnalité propre. Le contre-exemple parfait est facile à trouver : Del Toro avec son fabuleux Blade 2. Or avec Doomsday, à force de multiplier les clins d’œil, Marshall arrive à l’effet inverse. En fait, c’est la même chose que pour une personne.
Un clin d’œil la rendra sympa, intéressante, voire intrigante. Des clins d’œil incessants n’arriveront qu’à une seule chose : donner l’impression qu’elle a un tic facial.


IN THE GARDEN OF EDEN
L’esprit référentiel parasite, voire phagocyte totalement Doomsday, c’est un fait. Mais à bien y réfléchir, ce n’est pas vraiment le fond du problème. Bien entendu, le scénar n’est ni original, ni bien traité (et regorge d’incohérences). Mais le vrai problème, c’est la réalisation, étonnement maladroite. On en vient même à se demander si c’est bien ici la même personne qui a réalisé cette petite perle qu’est The Descent. A ce titre, les scènes de l’hôpital et plus encore, de la poursuite finale, laissent perplexe. On est bien au-delà de la notion de surdécoupage. C’est brouillon. Hystérique, dans le mauvais sens du terme.
En un mot : illisible. Dès lors, tout le plaisir que le spectateur pourrait prendre à la vision de ces scènes (scènes très alléchantes sur le papier, on est bien d’accord) est irrémédiablement désamorcé.
Et c’est d’autant plus dommage que Doomsday avait un potentiel incroyable.
Certaines réflexions à peine esquissées auraient mérité un meilleur traitement.
Comme par exemple le fait que les "civilisés" sont obligés de chercher la solution derrière le Mur alors que les "barbares" placent tous leurs espoirs dans le monde " de l’autre côté". Sauf que tout le monde se trompe.
Et seul le personnage du major l’a compris. On le voit à sa réponse à la question de Kane qui lui demande comment c’est de l’autre côté. La réponse semble claire : "Same shit". Oui, mais la même merde que de ce côté-ci du Mur ? Ou bien la même merde qu’avant, ce qui impliquerait que cela a TOUJOURS été la merde ? La seule différence, c’est qu’on le cache un peu mieux d’un des deux côtés. Et encore. Une vague tentative d’idée est également à chercher dans le nom du personnage du major. Eden. Le paradis. A nous de le mettre en perspective avec le Doomsday du titre ("Jugement dernier" ?). L’ironie n’est pas loin.

D’autre part, Doomsday tente (sans succès, mais la démarche est là) de réitérer le "message" des Escape From… de Carpenter. On sait bien ce que ce dernier pense des "messages" (répondeurs… tout ça…), mais le fait est là : les films en question condamnent tous les systèmes. Barbarie urbaine, barbarie médiévale, barbarie sociale créée par la "civilisation". Il n’y a pas d’échappatoire (d’où le titre qui avait été vaguement avancé pour un troisième film avec Snake Plissken : Escape From Earth ?). "Plus les choses changent, plus elles restent les mêmes". Effectivement.
Il y a également la conclusion de Escape From L.A. Snake Plissken nous souhaite la bienvenue sur Terre. La conclusion de Doomsday peut être envisagée sous le même angle : le major revient chez elle, en Ecosse. Dans sa maison. Dans son jardin.
Oui, il y a ça. Mais c’est peu. Trop peu.

Doomsday
 


NO FUTURE
Don't be told what you want
Don't be told what you need
There's no future, no future,
No future for you


God Save The Queen - Sex Pistols

Toujours est-il que l’on ressort de Doomsday avec une grosse sensation de gâchis. Beaucoup de péripéties mais sans liant. Beaucoup d’ingrédients mais peu d’idées. Beaucoup d’images mais pas de fond. Il ne faut pas confondre "générosité" et "gavage".  Au fond, Doomsday, c’est un peu comme sortir avec une belle blondasse écervelée. Ou encore, comme un rush après la prise de produits stupéfiants. On peut se sentir bien, puis ça retombe. Mais après ?
Après ? Rien. Il ne reste rien de ce qu’on a vu. Juste du vide. Du vide rapide.
Avec Doomsday, Marshall vient de dépenser plus vite que prévu une bonne part du crédit qu’il avait accumulé avec The Descent. L’essentiel est sauvé : on ira voir son prochain film. Mais à présent, Marshall n’aura plus droit à l’erreur, sous peine que l’on considère The Descent comme un "accident de parcours".

"It’s a movie made for you guys!"
Un film fait pour nous ? Oui, sans doute. Mais comme on a les films que l’on mérite, il est grand temps de s’interroger. Sommes-nous donc devenu si peu exigeants ? La forme l’a-t-elle définitivement emporté sur le fond ?
Et de résonner de manière inquiétante dans nos oreilles le célèbre "No future !!!" des punks anglais. Espérons juste qu’ils
ne parlaient que de la société.
Pas du cinéma.


DOOMSDAY
Réalisateur : Neil Marshall
Scénario : Neil Marshall
Production : Steven Paul, Benedict Carver, Andrew Rona…
Photo : Sam McCurdy
Montage : Andrew MacRitchie & Neil Marshall
Bande originale : Tyler Bates
Origine : GB / USA / Afrique du Sud
Durée : 1h45
Sortie française : 2 avril 2008




   

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