Les archives McTiernan - Le cinéma
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- Dossier par Nicolas Zugasti le 20 février 2013
Dial hard
Avec John Moore (Max Payne, le remake de La Malédiction) aux commandes, difficile d’espérer un peu de cinéma dans le prochain Die Hard. Pour cela, mieux vaut se tourner vers John McTiernan, lire ce qu’il a à dire sur le sujet et enchaîner sur sa filmographie.
Pour tenter de définir ce qui anime le cinéma de McTiernan, on pourrait presque le synthétiser en deux citations.
La première concerne sa découverte à 19 ans de La Nuit Américaine de Truffaut qu’il revu jusqu’à plus soif pendant trois jours : "A la fin, je pouvais décortiquer le film plan par plan. Mon seul souci, c’était de répondre a des questions comme : qu’est-ce qui vient après ce plan ? Pourquoi ?"
La seconde concerne ses cinéastes préférés : "Dans l’ordre, John Ford, Fellini, Kubrick. Le premier, c’est la narration. Le deuxième, c’est l’art de provoquer des émotions à travers des mouvements très élaborés. Le troisième, c’est le contrôle parfait. On couvre ainsi tout le spectre du cinéma. Du spectacle direct, relativement simple, qui parle au cœur et qui parfois, porte un message – c’est la tendance Brecht – à la tendance Artaud, opposée, qui vise à provoquer une émotion viscérale, au-delà de la réflexion. Moi, modestement, j’aimerai me situer dans la deuxième catégorie."
Tout est pratiquement là , l’intérêt pour la technique, ce qu’elle permet de formuler comme émotions et histoires, et son indéfectible modestie. Au fil des interviews, il en vient même parfois à se déprécier, un comble au vu de sa filmo.
En tout cas, c’est bien dommage que tous ses films ne disposent pas de ses commentaires audio car le bonhomme est particulièrement passionnant lorsqu’il aborde son art.
La collecte d’extraits d’interviews qui suit a donc pour humble objectif de donner un trop bref aperçu de ses réflexions captivantes et éclairer partiellement ce qui en a fait le réalisateur de génie qu’il est.
Comme ses héros se définissent par leurs actions, leurs manières de tracer de nouvelles trajectoires, on peut en dire de même de John McTiernan à sa façon d’envisager le médium, d’en maîtriser la technicité (des mots qui peuvent choquer certaines âmes sensibles) pour écrire sa propre musique.
Un maître incontestable qui ne s’est pourtant pas d’emblée intéressé à l’art cinématographique comme il l’explique dans l’interview donnée à Jacques Victor pour Le Cinéphage n° 6 (Mai / Juin 1992) à l’occasion de la sortie de Medecine Man : "Je voulais être metteur en scène de théâtre. L'opéra, c'était trop ésotérique ! J'ai commencé par suivre des coups à l'école Juillard, à New York. Très vite, j'ai compris qu'être metteur en scène de théâtre n'est pas un métier. À la rigueur, c'est une vocation pour les gens riches. Si vous avez de l'argent, vous pouvez vous lancer. Mais si vous voulez en vivre, c'est une autre histoire. Mais c'était mieux qu'être chirurgien du cerveau."
Il poursuit dans Les Cahiers Du Cinéma n°577 : "Alors je me suis interrogé sur la manière de poursuivre une carrière artistique qui me permettrait également d'en vivre. J'ai rencontré un groupe de réalisateurs indépendants, la plupart portoricains, c'est ainsi que j'ai commencé à m'intéresser au cinéma. C'était en 1971 ou 1972. New York était alors, à tous les niveaux, une ville très politique. Mais Julliard était une école très réglementée. Vous passiez votre vie enfermé entre quatre murs, dans un univers obsédant et désorienté, car la moquette des sols recouvrait aussi les murs. Aucune absence n’était tolérée, il n'y avait que deux journées libres par semestre. Une vraie discipline d'école de danse !"
Toujours dans ce même numéro, concernant sa cinéphilie : "Lorsque j'ai abandonné l'idée du théâtre, j'ai voulu comprendre comment les films étaient faits. Je ne m'étais encore jamais interrogé sur ce que c'est qu'un film en tant que succession littérale et très concrète de plans. C'est une base de départ pour un ingénieur ou un technicien : face à une machine, une panne, vous commencez à démonter, pièce par pièce. Avant de savoir comment faire, il faut déconstruire. Alors j'ai passé mes deux uniques jours de congé autorisés dans une salle de cinéma de la 95e rue, le Symphony Theater, à voir et revoir le même film : La Nuit Américaine de Truffaut, que j'avais choisi pour son apparente simplicité. Au fur et à mesure que se succèdent les visions, vous commencez à oublier l'histoire. Puis vous regardez comment bouge la caméra. Puis, vision suivante : comment les acteurs eux-mêmes bougent par rapport à la caméra… Enfin, une fois débarrassé des observations purement physiques, il est alors temps de comprendre comment le mélange, l'expérience prennent, ce qui fait un tout indivisible."
Mais Truffaut n’a pas été son seul sujet d’étude comme il l’explique dans Le Cinéphage n°6 : "J'aime bien cette préoccupation formelle. Quand j'ai commencé à faire des films, j'ai gardé ça en tête. Il y avait aussi l'exemple des films de Stanley Kubrick. Puis, je suis passé à Frederico Fellini et j'ai décortiqué Huit 1/2. Pareil. C'est plus compliqué."
Il y explique aussi sa motivation et le point qu’il espère atteindre : "Mon premier critère est le plus simple, et peut-être le pire : il faut que j'aie envie de voir le film. J'ai refusé plein de films qui ne correspondaient pas à ça. Et le deuxième critère, c'est de pouvoir s'en tirer. Bon, il faut se dire que ça prend vingt ans pour savoir faire un film. J'ai fait six films, je suis en chemin. Je ne suis qu'un apprenti, cependant. Mais je ne suis pas au bout du chemin. Regardez un film de François Truffaut, c'est si simple que ça devient zen."
C’est dans Les Cahiers Du Cinéma n°577 qu’il relate ses premiers essais de cinéaste : "Je me suis inscrit à un programme expérimental dispensé par l'université d'Etat de New York où vous pouviez développer un projet artistique personnel sur une période de dix-huit mois. Pas de campus, seulement quarante étudiants et pas mal d'argent. J'ai fait faire ma propre éducation avec une petite caméra 16 millimètres Bolex : je voyais des films que j'essayais d'imiter. J'ai réalisé des dizaines de petits trucs dont les plus courts pouvaient faire trente secondes. Par la suite, je les ai tous rassemblés dans un film d'une heure quinze comme autant de visions d'un type qui rêvasse, assis dans son appartement du Village, en fumant des joints.
Ce cadre assez vaste me permettait d'y incorporer n'importe quoi et d'expérimenter : j'ai appris l'animation image par image, j'ai fait toutes sortes d'essais optiques, fabriqué de faux documentaires, etc. J'ai intitulé le film Poor Richard's Almanac, d'après Benjamin Franklin. Poor Richard était le type défoncé. Je lui ai créé un double, lunettes noires, blouson de cuir, tee-shirt orné d'un Oméga (celui que portait Mick Jagger en tournée cette année-là ), qui n'avait ni imagination ni rêves, mais qui aimait casser tout ce qui se trouvait sur sa route. J'ai acheté une voiture 100 dollars, ce qui était important pour mon budget de l'époque, et je l'ai filmé en train de la réduire en pièces ! Par la suite, j'ai réalisé deux ou trois films d'étudiants plus conventionnels, avec des semblants d'histoire. L'un des deux, adapté d'un livre espagnol, relatait les fantasmes sexuels d'une nonne au Moyen Age…"
La précision de sa mise en scène légitime un questionnement quant à l’emploi de story-boards : "Non, je l'ai fait autrefois, c'est utile pour les effets spéciaux. Mais il est très difficile et très long de parvenir à retranscrire, à travers la main d'un autre, toute la nuance que vous voulez introduire dans une image. C'est plus facile avec sa propre caméra. Il fut un temps où je planifiais chaque plan de façon très obsessionnelle. J'ai été l'assistant de Ian Kadar, un réalisateur tchèque, pendant deux ans à l'American Film Institute. Sa façon de "m'apprendre les films" était la suivante : regarder un film tant de fois qu'on est capable de le décrire plan par plan, du début à la fin. J'ai ainsi procédé avec nombre de films, comme Huit 1/2, pour lequel ce n'était pas une mince affaire. Depuis, je me suis aperçu que quand j'avais le film entier prêt avant de tourner, je ne faisais pas attention à ce qui se passait en face de moi. J'étais si occupé à compulser mon film sur fiches que je ne voyais pas ce qui était là .
Je tourne mieux et plus vite maintenant. Je prépare toujours, mais c'est une phase que j'oublie délibérément dès que le tournage commence. Tout dépend également de l'ambiance de tournage que vous voulez ménager pour vos acteurs. Certains, comme Travolta ou Sean Connery, adorent travailler avec une caméra compliquée, qui leur vient dans les pattes, entrave leurs mouvements, ça les stimule. D'autres ont le sentiment que leur jeu est empêché, alors la réalisation se doit de devenir transparente. Il est de mon devoir de m'adapter. Un film est processus synthétique, ce n'est pas la vision d'un seul homme."
"A présent, ce qui m'importe le plus est la nuance. Lorsque vous rêvez le film, chaque image que vous visualisez possède une signification, une humeur qui lui est propre : ce n'est pas, par exemple, simplement un homme qui marche sur la route, c'est mon père la dernière fois que je l'ai vu, avant qu'il ne parte pour… L'image contient en elle un contexte émotionnel impossible à transmettre par tous les story-boards du monde. Pour moi, le film idéal est un film où chaque image porte en elle son mouvement, son émotion, son impression. Où les deux tiers seraient compris par le public avant même que le premier dialogue ne soit prononcé. Un film qui n'aurait pas besoin de la parole."
Parmi les cinéastes qui l’ont influencé, il en est un particulièrement étonnant tant leurs univers sont à l’opposé (Starfix Next Gen n°8) : "Mais je m'inspire moi-même énormément de certains réalisateurs. Les gens s'échangent des informations, s'influencent. C'est pour cela que le cinéma reste un art vivant. Moi, je vole constamment à Paul Verhoeven."
A propos de Starship Troopers : "Oh ! Grand Dieu ! Il y a tellement de désespoir dans ce film. Sa technologie est merveilleuse, sa mise en scène est incroyable. On ne peut pas savoir pour quelles raisons de tels films émergent et pour quelles raisons d'autres ne se font pas. On a chargé Paul Verhoeven de réaliser un film sur une attaque d'insectes géants, avec un cahier des charges certainement très précis : ce qu'il devait montrer... ce qu'il ne devait pas montrer... Et il a trouvé un moyen de pervertir tout cela. C'est effectivement un énorme film cynique."
Et tiens, puisque une nouvelle séquelle de Die Hard sort ce 20 février, parlons du premier film, Piège De Cristal et voyons ce que McTiernan en disait à l’époque pour L'Ecran Fantastique n°97 :
"Je ne pense pas que le sujet soit particulièrement original, mais il est vrai que le film terminé n’a pas grand chose à voir avec ce à quoi le studio s’attendait. Tout cela, parce que j’ai pu le changer légèrement. Et pourtant, le scénario et la technique sont plutôt vieillots. Je n’ai rien inventé. Regardez les vieux westerns de John Wayne. Même Shakespeare employait une technique narrative identique."
A propos des travellings compensés lorsque le méchant se rend compte que la fille est la femme de McClane : "Ha, ça ! J’ai fait un travelling arrière et un zoom avant en même temps, puis un travelling à l’épaule, et le troisième mouvement est un travelling avant assorti d’un zoom arrière…"
Et du style en général :
" J’ai eu beaucoup de chance de faire mes études à l’American Film Institute de Los Angeles. J’ai suivi des cours d’analyse de films, et j’en ai analysé je ne sais combien avant de passer à la réalisation. Vous comprenez, Bertolucci est peut-être plus sophistiqué aujourd’hui, mais il y a dix ans, le style qui nous impressionnait le plus était celui de Godard. C’est en étudiant le travail de tous ces metteurs en scène que je me suis pris au jeu. C’en était arrivé au point que nous prenions de moins en moins garde à ne pas gâcher l’histoire. Peut-être qu’à l’époque où Bach écrivait, il suivait aussi une histoire à laquelle les gens ne faisaient plus attention. Parce que tout ce qui comptait, c’était l’"effet produit par la musique", et non pas "ce que la musique avait à dire".
Le cinéma pour un metteur en scène, c’est comme s’il jouait de la musique. C’est ce que j’aimerais bien être capable de faire. Dans chacun de mes films, je fais en sorte d’arriver à quelques secondes de force toute-puissante. Le reste n’est que de la prose pathétique. De temps à autre, il y a un passage qui transcende le reste. J’espère qu’avec le temps il y aura de plus en plus de moments comme ça dans mes films.
Quant à la stratégie visuelle de Last Action Hero, il en fait part à Ciné-News dans son n°46 de juillet 1993 : "Le style cinématographique, en particulier après que le môme soit "entré" dans le film d'action pour rejoindre Jack Slater, joué par Arnold, est aussi simple et réaliste que possible. J'ai presque tout tourné au Steadycam, pour donner l'impression au spectateur qu'il se trouvait vraiment sur place, aux côtés de l'opérateur, plutôt que de faire ça au grand angle, style Tony Scott ou Richard Donner dans L'Arme Fatale... Ça, c'est la façon dont on démarre le film Jack Slater : grands angles et gros plans de visages héroïques qui couvrent l'écran. Mais une fois que le môme se retrouve dans cet univers de pur fiction, c'est tout le contraire : plans larges, simples, plans séquences assez longs avec très peu de coupes."
Un film qui lui permet de gentiment se moquer du genre que Piège De Cristal a contribué à faire exploser avec les nombreux ersatz qui ont suivi : "C'est assez marrant, en fait. C'est l'occasion de se permettre plein de choses interdites... des tas de rebondissements idiots dans l'intrigue, comme d'assister à l'enterrement d'un mafioso et voler le cadavre... Des idioties pareilles. Il y a dans ce film pas mal de trucs visuels que j'avais tentés auparavant et que j'ai voulu pousser au maximum... Le film dans le film, avec Jack Slater, nécessitait ces outrances. Et puis, c'est plutôt sain de tourner certains de ces trucs en dérision. Je n'ai fait que deux véritables films d'action et, du jour au lendemain, on m'a étiqueté "metteur en scène d'action". Je ne sais pas ce qui s'est passé... Cette fois, j'avais envie de rire à mes dépens."
Mais Last Action Hero est finalement plus un cartoon qu’une parodie. Et où l’on apprend qui est vraiment le maître de l’action made in hollywood : "Tenez, puisque vous êtes Français et que vous avez une certaine tolérance pour les digressions intellectuelles, je vais vous dire... Je crois qu'il y a trois grands théoriciens de la dramaturgie du XXe siècle. Le premier était Antonin Artaud avec son théâtre de la cruauté, le second était Bertold Brecht qui créa le concept de l'aliénation, la base du théâtre socialiste, et puis il y a le troisième théoricien dramaturge qui influença la majorité des films américains... Celui-là , c'est Vil Coyotte... L'idée, c'est que pratiquement n'importe quelle séquence dans n'importe quel film d'action américain a déjà été inaugurée, en mieux et en plus clair, par Vil Coyotte... J'en ai tiré des leçons pour Last Action Hero et j'ai même tenu à faire apparaître un sosie de Vil à plusieurs reprises."
Si rien que ça ne vous donne pas envie de revoir ce film fissa !
Enfin, on terminera sur une bonne partie de l’entretien qu’il accorda à Léonard Haddad pour HD Vision où il parle avec précision et passion de sa préférence du format Cinémascope à celui du Super 35. C’est technique mais dans la bouche de McT, cela résonne presque comme une douce mélopée. Pourquoi cette préférence du Scope : "Parce que ce que j’aime c’est précisément la distorsion apportée par le Scope. Ce n’est pas une question de largeur d’écran mais d’effet d’"étirement" de l’image apporté par l’anamorphose qui me séduit."
"Dans l’histoire de la représentation, il y a des conventions culturellement admises par tous. Par exemple, avant l’introduction de la perspective, on considérait comme acquis que si quelquechose était plus "haut" dans l’image, cela signifiait que cet élément était plus "loin" dans la scène représentée. Ce qui en réalité est parfois vrai mais pas toujours, en tout cas pas par définition. On a retrouvé ce phénomène dans le cinéma. Dans tous les arts de représentation, la technique a toujours tendance à imiter ce type d’illusions et d’erreurs."
Et le voilà parti dans les explications du pourquoi le Scope change cette donne : "Si vous regardez ce vase, là , au bout de la pièce, votre champ de vision va quand même à peu près d’un mur à l’autre, il se poursuit presque derrière votre tête. Le rapport entre ce que vous voyez en profondeur et en largeur n’a strictement rien à voir avec ce que figure une image carrée. Pour réussir à filmer le vase tout en respectant votre champ de vision, je dois, si je ne filme pas en Scope, recourir au grand angle. Le problème est que votre façon à vous de percevoir l’ensemble de votre champ de vision tout en fixant votre regard sur le vase est beaucoup plus proche de l’écrasement généré par une longue focale, c'est-à -dire l’inverse radical du grand angle. Dans un format classique, on peut donc montrer ce que vous voyez mais pas du tout la façon dont vous le percevez. Cet écart entre représentation et perception est le pêché originel du cinéma. Le Scope, lui, double le champ de vision pour une profondeur égale et distord l’image à la façon du regard humain, même si pour s’en approcher réellement, je pense qu’il faudrait encore doubler le Scope, ce qui ferait quand même très grand. Mais c’est cette torsion, le rapport qu’on obtient entre largeur et profondeur qui compte dans le Scope, pas le rapport largeur / hauteur, ce qu’on appelle l’"aspect ratio"."
A propos de Tony Scott et James Cameron dont le format préféré est le Super 35 où il n’y a pas cette distorsion même si l’écran a la même largeur qu’en Scope : "Ceux que vous citez sont des exceptions parce qu’ils ont les moyens techniques et financiers de travailler l’image de façon à "singer" les effets de profondeur du Scope.
Mais certains metteurs en scène qui utilisent le Super 35 font l’erreur de penser que c’est l’"aspect ratio" qui compte, c'est-à -dire juste la largeur de l’écran et qu’il suffit donc de mettre des bandes noires sur une image carrée pour que le tour soit joué. Rien n’est plus faux et c’est pour cela que les films en Scope ont une meilleure gueule. Je n’y peux rien, c’est juste un fait, ils ont une meilleure gueule. Dans la photo, dans le cinéma, la lentille donnait dès l’origine cet effet de "faux réel", l’illusion de la reproduction alors qu’il manquait la distorsion nécessaire à la reproduction "juste" de ce que l’on voit. Mais cette erreur n’a pas cent ans, elle en a pratiquement mille. Le peintre américain David Hockney a publié un livre théorique sur la question, où il démontre que les peintres, depuis le XVe siècle au moins, travaillait avec le type de lentille qui a par la suite permis l’invention de la photographie, pour prévisualiser leurs œuvres. Le truc du pouce tendu par le peintre pour calculer la perspective, c’est de la foutaise : la communauté des peintres possédait cet outil depuis des siècles, c’était leur secret de corporation, l’instrument-clé des arts graphiques depuis au moins la Renaissance. Ce qui veut dire que les conventions visuelles acquises, le réflexe culturellement admis par tous étati fondé sur une réalité altérée, une sorte d’escroquerie si vous voulez : on pense encore aujourd’hui que la peinture, la photo, a fortiori le cinéma, représentent ce que l’on voit, comme une photocopie, mais ce n’est pas vrai. Même en Scope ça reste à moitié faux."
A l’instar de Michael Mann, il reconnaît les apports majeurs que sont le DVD et le 16/9, même limités puisque le rapport de taille n’est plus le même avec un écran plus petit : "Au moins, le problème du Pan & Scan est-il enfin résolu. J’ai longtemps fait campagne contre les studios à ce sujet parce que mes films souffrent, comme tous les autres et peut être même encore plus, du moindre manque de définition ou d’information. L’évolution technologique a fini par les faire plier. Ils ont cessé de nous recadrer à tout bout de champ. On ne brisera plus la taille des films, on le les remontera plus et les gens ne se plaindront plus désormais des bandes noires comme si c’était un défaut de leur télé."
Au final, McT apparaît comme un véritable érudit. Et dire qu’on l’a fait passer depuis toutes ces années pour un bourrin patenté. Pire, pour quelqu’un qui aurait tout appris vite fait en vingt minutes parce que le genre qu’il abordait n’en demandait pas plus.
Pour terminer, on pourra utilement se reporter au dossier l'histoire secrète de la saga Die Hard de David Fakrikian pour le site Premiere où il revient en détail sur les origines, le premier, le deuxième (réalisé par Renny Harlin) et le troisième, ainsi qu'au papier de Film School Rejects dont est tirée la vidéo ci-dessous dans laquelle le cinéaste explique sa manière de penser les mouvements de sa caméra comme de la musique :Â