X-Men Origins: Wolverine

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Affiche X-Men Origins: Wolverine

Pas de multiplicité des points de vue comme dans le film de De Palma mais son thème se voit appliquer à un pur divertissement. S’il est possible de télécharger une version workprint du film, celui sortant en salles mercredi est une version expurgée de tout ce qui faisait le charisme du personnage.


Après le piteux Affrontement Final de Brett Ratner qui sabordait la franchise X-Men (on y voyait, entre autres, la confrérie de Magnéto faire du camping dans la forêt), la Fox tente de ranimer la flamme pour nos chers mutants en capitalisant sur l’aura du plus culte des héros Marvel. Bon, c’est pas aussi catastrophique que X-Men 3 mais le fan absolu de Serval que je suis à la rage !

En 2000, le succès du premier film mettant en scène les X-Men repose à la fois sur la capacité de Singer a donner une consistance à ses personnages, les inscrire dans un contexte résolument actuel (difficultés d'intégration des minorités, terrorisme, manipulations génétiques et idéologiques...) et sur la révélation du talent de Hugh Jackman (confirmé dans The Fountain d'Aronofsky) qui s’empare de la défroque de Wolverine avec énergie et délectation. C’est simple, impossible dorénavant d’envisager un autre interprète que lui. Alors que pour Storm, on se demande encore pourquoi ils ont préféré Halle Berry à Angela Basset (Strange Days). Dans X-Men nous découvrions le manoir, la communauté mutante et les dissensions entre deux factions (prof Xavier et Magnéto) à travers les yeux du mutant griffu et dans la séquelle, c’est le passé de Wolverine qui devenait une menace pour la communauté, sous la forme du colonel Stryker désirant éradiquer l’espèce. Que se soit dans les comics ou à l’écran, la star incontournable c’est Wolverine. Bénéficiant dans les deux premiers films de pratiquement toutes les meilleures scènes (mis à part la sensationnelle intrusion de Diablo dans la Maison Blanche), de plans iconiques à souhait et de nombreuse punchlines, l’idée de générer encore plus de fric, pardon, encore plus de plaisir pour les fans à travers un spin-off entièrement consacré au personnage germe assez vite dans les têtes pensantes de la Fox. Le pitoyable troisième épisode entachant à peine la réputation de Logan. Et puis, ce film centré sur les origines de Wolverine est un bon moyen de redorer le blason de la franchise, retrouver la confiance des spectateurs et surtout donner la pleine mesure de ce personnage ambivalent, tenaillé par un instinct primaire prêt à supplanter une humanité vacillante. Un héros torturé n’hésitant jamais à tuer, à se salir les mains pour ses amis, ses partenaires, les mutants et le monde. Mais aussi un mec pétri de valeurs morales et d’un code de l’honneur, capable des pires atrocités mais aussi de transmettre aux plus jeunes des valeurs humanistes essentielles.

X-Men Origins: Wolverine

Enfin ça, c’est la définition du personnage de comics. Parce que le film de Gavin Hood se complaît à dénaturer 46 ans d’histoires et livre un Wolverine interdit pour les plus de 13 ans ! Le film de Hood réactualise la vision du docteur David Wertham qui dans les années 50 fustigeait les dangers représentés par l'accessibilités de comics violents (et d'horreur types E.C Comics) par nos chères têtes blondes. Oui, il faut dire qu'à l'époque, en l'absence de jeux vidéo et de films ultra-violents graphiquement, le diable n'avait pu s'incarner que dans des fascicules illustrés de 24 pages. Et alors que l'industrie des comics a depuis plusieurs années rejetté le Comics Code Authority qui régissait (soi-disant) leurs publications, X-Men Origins: Wolverine en est une terrible transposition servile (pas de sang, pas de jurons ni d'images choquantes...).


QUI A PEUR DU GRAND MÉCHANT WOLVERINE ?
Le scénario tente de mixer plusieurs périodes des divers comics produits mais en voulant donner une certaine cohérence à l’ensemble ne parvient qu’à traiter superficiellement l’histoire riche en rebondissements de notre sociopathe préféré. Ainsi le prélude met en scène la fin de la mini série Origines, scénarisée par Paul Jenkins, magnifiquement mise en image par Andy Kubert et bénéficiant du travail de colorisation sublime de Richard Isanove, illustrant l’enfance de James Howlett, garçon chétif appelé à devenir plus tard l’indestructible Serval. On enchaîne ici avec James et son frère (ou plutôt demi-frère) Victor Creed alias Dents de Sabre prenant la fuite de la propriété paternelle et s’engageant tous deux sur un chemin fait de violence et d’affrontements puisqu’on les voit traverser l’Histoire du 20ème siècle en participant à toutes les guerres. Une entrée en matière réussie qui permet de définir en cinq minutes ces deux caractères antagonistes. Malheureusement cela se gâte assez vite par la suite. En fait, on se retrouve dans le même cas que Watchmen, une intro superbe mais un développement affligeant.

On retrouve également des références au passage remarqué et remarquable de 2001 à 2004 de Grant Morrison, scribe anglais qui en l’espace de 41 épisodes grandioses (la série X-Men étant rebaptisée pour l’occasion New X-Men le temps des épisodes 114 à 154 : limite les meilleurs jamais écrits pour ce titre, au moins à égalité avec la période Claremont/Byrne) a redéfini la place des mutants au sein de leur communauté, de l’espèce humaine toute entière et donnant de nouvelles perspectives sur le passé de Wolverine puisque l’on apprenait que dans le programme Weapon X, le "X" n’était pas une lettre mais bien un chiffre romain. Wolverine étant donc la dixième arme issue des laboratoires de cette officine secrète, Captain América étant la première… Bien sûr, le film fait également référence au chef-d’œuvre de Barry Windsor Smith, le graphic novel Arme X racontant par le menu les sévices subis par le mutant et ayant entraîné sa transformation en bête humaine et la perte de ses souvenirs. Mais une référence qui se limite au caisson dans lequel Logan est plongé afin de recouvrir ses os du métal indestructible qu’est l’adamantium. Toute la partie lavage de cerveau, confusion, perturbation de ses rapports à la violence et son humanité sont complètement éludés.

X-Men Origins: Wolverine
 

Mais arrêtons là les comparaisons stériles avec le matériau d'origine, on le répète assez souvent ici, toute transposition d'une oeuvre écrite à l'écran nécessite un travail d'adaptation, l'important étant surtout de ne pas avoir trahi l'essence, la nature même de l'oeuvre et des personnages. La simple reproduction à l'identique des cases ne satisfera que les pseudos fans se retranchant derrière un respect quasi intégriste de la scénographie pour masquer leur incompréhension flagrante des thèmes profonds qui animent leur objet de culte. La réflexivité des comics de Wolverine est peut être limitée ou moins riche que Watchmen (un exemple au hasard...) mais omettre la dimension bestiale et le déchirement intérieur qu'elle suscite serait impardonnable et traduirait moins une incompréhension du personnage que la volonté à peine voilée de le rendre accessible aux plus jeunes. Avoir de l'admiration pour un mec incontrôlable tuant et découpant sans état d'âme ses ennemis est impensable dans la société actuelle. Pensez, ça pourrait perturber un peu plus les jeunes (forcément influençables) et leur donner des idées. Quelque soit les "bonnes" raisons qui les ont animées, toujours est-il que notre cher tueur à six griffes a perdu ce qui faisait son intérêt, passant du statut de bête humaine à celui de super-héros de base, désespérément lisse.


…C'EST PAS NOUS, C'EST PAS NOUS
Surprise, c'est finalement Liev Schreiber (Scream, Les Insurgés) qui parvient à tirer le mieux son épingle du jeu dans le rôle de Dents de Sabre, bien que le sadisme du personnage soit carrément oublié. Le film repose prioritairement sur le destin croisé de Wolvie et son demi-frère dont la différence morale était assez ténue dans le comic book alors qu'ici elle est surlignée au stabylo. Au cas où vous n’auriez pas compris que Wolverine est un héros et doit donc se démarquer distinctement de ses ennemis. Que l’ambiguïté d’une telle posture soit justement l’enjeu des histoires n’a jamais dû effleurer les exécutifs du studio.

Après leurs exploits guerriers aux quatre coin du globe, les deux frères d’armes et de sang sont rapidement enrôlés par le colonel Stryker pour servir dans un commando de l’ombre chargé de massacrer sans se poser de questions les ennemis de la nation et provoquer des renversements de régimes favorables à l’impérialisme yankee. Enfin, massacrer est un bien grand mot puisque malgré l’impunité que leur statut anonyme leur confère, ces barbares avides de sang et de combats se montrent assez soft dans leurs actions. A se demander pourquoi Wolverine décide de les quitter. Sans doute écoeuré par cette bande de bisounours en cuir. J’éxagère un peu mais on a droit à une démonstration de katana de Wade Wilson (futur Deadpool) certes élégante et virevoltante mais avare en membres tranchés. Admettons, faut pas choquer les gamins.

Mais pourquoi affubler Wolvie d’un mal de l’air ? Pour le rendre plus humain, jouer sur sa faillabilité ? Okay, mais ici on frise le ridicule. Et puis humain, notre ami Logan/James Howlett l’est un peu trop justement. La bestialité du personnage ne transparaît jamais à l'image, que se soit dans ses actions ou postures, on ne nous la rappelle qu'au travers de dialogues, lorsque Stryker exhorte son cobaye à laisser sortir la bête en lui ou que sa fiancée lui rappelle constamment qu'il n'est pas un animal. Tout au plus avant nous droit à deux plans le voyant hurler de rage (ô désespoir) en levant la tête vers le ciel ou fronçant les sourcils. Même pas le minimum syndical pour un héros faisant preuve d'une certaine sauvagerie lors de l'assaut du manoir de Xavier par les hommes de Stryker dans X-Men 2. Or ici, nul plan voyant Wolvie embrocher un adversaire, lui sauter à la gorge voire même recouvert du sang de ses "victimes". Même sans être trop démonstratif, il était tout à fait possible de créer des images fortes. Ah si, autant pour moi : nous pouvons admirer Wolverine se déchaîner, laisser libre court à sa rage sur…une échelle de secours.

De plus, le métrage pâtit d'un scénario simpliste, de rôles secondaires insipides (Dominic Monaghan et Will I Am des Black Eyed Peas) ou sous-exploités (l'agent Zéro et Deadpool). Mais les fans seront ravis parce que l'apparition tant attendue du personnage de Gambit, promise depuis la mise en chantier du second film X-Men, advient enfin. Mouais, c'est bien peu et surtout son intervention sera loin d'être mémorable puisque le personnage a autant d'épaisseur que les cartes à jouer qu'il lance. Tout comme le reste du casting, il n'est là que pour servir de faire-valoir à un héros ternissant de plus en plus sa légende. On notera les apparitions d'un Scott Summers (futur Cyclops) juvénile, du professeur Xavier et d'autres mutants aisément reconnaissables qui demeurent sympathiques mais n'ont d'autre but que de tenter de construire une continuité avec les films précédents.


LE MEILLEUR DANS SA PARTIE ?
Endossant le rôle pour la quatrième fois, Hugh Jackman joue sur ses acquis et, pire, semble se contenir. Sans doute sa double casquette de producteur sur ce film et l’objectif de conquérir le grand public l’ont-ils enclin à brider son interprétation. Mais cela n’explique pas tout et surtout pas le fait que Wolverine puisse se laisser tromper par du sang factice. Alors que le grand Franck Miller (le scénariste/dessinateur, pas le réalisateur, nous sommes bien d’accord) en avait fait un pisteur doublé d'un tueur hors-pair ("the best there is at what I do "), le film le transforme en succédané de Charles Ingalls puisque l’on peut voir Wolvie jouer les bûcherons canadien et profiter d’un interlude bucolique dans la ferme des Hudson (ici des clones de Ma et Pat Kent). J’arrête là la longue litanie de défauts et autres bourdes sinon je vais finir par spoiler tout le film ! Oui, parce qu’il y en a d’autres… Cependant, ce qui est le plus frustrant et désespérant est de voir que ce soi-disant comic book movie ne possède aucun plan un peu travaillé ou reprenant des angles spécifiques à ce genre et mettant en valeur les actions démentes des personnages. Autrement dit, c’est filmé platement au mieux, au pire n’importe comment. Quand à la narration hyper linéaire, elle donne l’étrange sensation d’être dans un jeu vidéo où la progression n’est possible qu’une fois terrassé le boss du niveau considéré. Non, parce que je cherche toujours l’utilité d’un combat entre Wolverine et Bill Duke dit le Blob, sur un ring qui plus est. D’ailleurs à propos de support vidéo-ludique, c’est l’occasion d’évoquer l’inévitable adaptation du film pour toutes les consoles qui se trouve être plus réussie car respectueuse de la nature bestiale de son personnage et de ses capacités physiques et métaboliques (son facteur auto-guérisseur ).

Ainsi dans le film, vous ne verrez pas ça :

X-Men Origins: Wolverine
 

Ni ça :

X-Men Origins: Wolverine
 

Et encore moins ça :

X-Men Origins: Wolverine
 

Si vous voulez voir une véritable adaptation de ce personnage légendaire, vous devrez le faire mentalement en associant la bad-ass attitude de John McClane (version McTiernan, bien sûr. What else?), la violence et la sauvagerie de John Rambo (premier et dernier film en date) et revoir Gran Torino dont Walt Kowalski est un somptueux Wolverine vieillissant. Quant à ses origines, soit les expérimentations subies ayant altérées sa mémoire et son identité, enfournez dans votre platine le DVD de La Vengeance Dans La Peau et avancez jusqu’au dernier quart d’heure, vous en aurez une excellente version tournée par Greengrass.

Désolé pour la critique qui peut sembler par moments décousue, rédigée avec peu de recul et que l’on peut donc considérer comme un bon gros coup de gueule !
Dire que l’on attendait des merveilles de ce film serait exagéré mais une telle radicalisation dans la ripolinisation fait froid dans le dos. Après la déconvenue Watchmen, les super-héros sont vraiment fatigués. Reviens Sam Raimi, ils sont devenus mous !
Avant d’aller voir le film (oui, vous allez y aller comme tout bon cinéphile curieux et un brin maso que vous êtes !), sachez qu’il bénéficie d’une séquence post-générique que je n’ai même pas eu la force de regarder après un résultat aussi affligeant. Vous me raconterez.

3/10
X-MEN ORIGINS: WOLVERINE
Réalisateur : Gavin Hood
Scénario : Skip Woods & David Benioff
Production : Lauren Shuler Donner, Richard Donner, Stan Lee, Hugh Jackman…
Photo : Donald McAlpine
Montage : Nicolas DeToth & Megan Gill
Bande originale : Harry Gregson-Williams
Origine : Etats-Unis
Durée :1h47
Sortie française : 29 avril 2009




   

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