No Country For Old Men

To die alone in Texas

Affiche No Country For Old Men

Ça commence sur fond d’un paysage désertique du Texas avec le monologue d’un homme désabusé qui parle de tout et de rien. Un écho à un autre monologue qui nous opposait le collectivisme soviétique à l’individualisme texan deux dizaines d’années plus tôt. Le ton est donné. Dès le départ et sur une grande partie de sa durée, le nouveau film des Coen lorgnera dangereusement du coté de Blood Simple.


Adaptation d'un roman de Cormac McCarthy, No Country For Old Men nous plonge dans l'histoire de Llewelyn Moss, un soudeur retraité, vétéran du Vietnam, qui vit avec sa femme dans une caravane près des immenses étendues désertiques du Texas. Il va tomber par hasard sur un magot qu’il va garder pour lui. Il va ainsi se coller aux trousses une machine à tuer, entraînant dans sa chute les siens et tout ceux qu'il croise. Le shérif du coin l'aiderait bien à s'en sortir et les gros bonnets qui étaient dans le coup aimeraient aussi récupérer le fric...

Javier Bardem campe Anton Chigurh, l’un des meilleurs tueurs psychopathes que le ciné nous ait offert depuis longtemps (la comparaison avec le Terminator s'arrête à une pièce de monnaie). La distribution est complétée par Tommy Lee Jones, Woody Harrelson, Josh Brolin, décidément abonné aux rôles sympathiques, ainsi qu'une belle brochette de seconds rôles. Tous sont au service du film alors que le contraire aurait été tout à fait acceptable. Mais là il ne faut pas oublier qu'on est dans un film des frères Coen, et même un de leurs meilleurs (ce qui met la barre très très très haut).

A la manière de Blood Simple, le temps du film se dilate : du filmage naturaliste d’un désert à perte de vue au plus près de ses acteurs pour guetter en silence un choix ou une réaction, il y a toujours un détail qui fait mouche. Peu de films peuvent se targuer d’être aussi prenant, tout en demeurant élégant et sans concession par rapport aux facilités du médium. Ici, quasiment tout passe par l'image. Chaque lieu est exploité avec un sens de l’espace exemplaire doublé d'un montage parfait et d'une utilisation ingénieuse des éléments de l'histoire (un simple pisteur devient un aspect déterminant de la narration).
On peut citer entre autres ces deux scènes dans un hôtel et leur prolongement dans la nuit ou les Coen arrivent à rendre parfaitement pendant une bonne demi heure ce que Motel tentait de faire plus ou moins heureusement : redonner un sens au mot suspens alors qu'il n'en a plus vraiment. On retrouve dans la confrontation Llewelyn/ Cigurgh un peu de l’attente créée lors du western spaghetti, une attente qui est une fin en soi, car le résultat de la confrontation ne sera montré que par les yeux du troisième personnage.

No Country For Old Men
 

Les Coen se passent de musique, ne laissant pas même une note accompagner la solitude oppressante du personnage. Cette solitude se double d'une mise au ban par la communauté et de sa condition de proie. Le chasseur creuse la route, éliminant toute trace du passage de Llewelyn, et celui-ci, blessé et couvert de sang, devient cet homme étrange que tout le monde fuit ou craint, qui ne peut se faire obéir que par l'argent. Une scène vers la fin du film inversera ce propos : des enfants accepteront d’aider gratuitement le tueur psychopathe. Puis celui-ci leur apprendra à accepter l’argent, semant le germe d'un cynisme qui sera encore plus à sa place dans les années suivantes.
Enfin il y a cette pièce de monnaie qui décide si une personne devra vivre ou mourir. Un test imposé aux plus chanceux (et innocents) par le tueur et qui se pose comme un jugement suprême, au delà de toute considération humaine. L’argent contamine littéralement la filmo des frangins pour y propager la mort et le chaos, mais ils n’ont jamais été aussi loin dans la métaphore.

C'est au milieu de ce chaos qu'arrive le fameux troisième personnage, le shérif Bell, remarquablement interprété par Tommy Lee Jones. Il est affublé d’un sidekick, son adjoint, et ils remplissent à leur manière le quota de scènes typiques coeniennes (label accent texan d’origine, dépaysement assuré). Mais ici, c'est un rire pincé. On se retrouve devant un Fargo dont la naïveté et l'espoir auraient été troqués contre un réalisme malsain. Il n'y a plus de cloisonnement entre la vie de l’enquêteur expérimenté et ce qu'il voit tous les jours.
Ici l’homme est seul face à lui même et à ses choix de vie, comme ce shérif dépassé par le progrès qui vit dans le passé et qui traîne derrière lui une montagne de faits divers (auxquels vient s’ajouter celui qui se déroule devant nos yeux), comme ce "robot" meurtrier aux valeurs douteuses ou bien le mercenaire campé par Woody Harrelson.
Désabusé, sans repère, l’homme de loi tente tant bien que mal d’empêcher les événements, puis il retourne à une résignation emprunte de désespoir. Un rêve lui rappelle que la lumière qu’il cherche dans ce monde n’existe plus, en bref qu’il n’y a plus aucune terre qui puisse vraiment accueillir un type comme lui.

9/10
NO COUNTRY FOR OLD MEN
Réalisateur : Ethan & Joel Coen
Scénario : Ethan & Joel Coen d'après le roman de Cormac McCarthy
Production : Ethan & Joel Coen, Scott Rudin…
Photo : Roger Deakins
Montage : Ethan & Joel Coen
Bande originale : Carter Burwell
Origine : USA
Durée : 2h02
Sortie française : 23 janvier 2008




   

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