Les Chemins De La Liberté

Goodbye Staline!

Affiche Les Chemins De La Liberté

Depuis Master And Commander en 2003, l’humanisme de Peter Weir manquait au cinéma, comme un bon compagnon dont on parle peu mais qu’on se hâte de retrouver car il arrive à nous transporter ailleurs avec une simplicité qui n’a pas d’égale.


Pour ce grand retour, le réalisateur australien adapte le livre A Marche Forcée de Slavomir Ravicz, un ancien soldat polonais. S’il n’a pas accompli le périple de ces prisonniers qui ont réellement existé, Ravicz fut bien envoyé au goulag sous le régime Stalinien, d’où il fut amnistié. Il accomplit néanmoins le voyage de la Sibérie au Moyen-Orient pour rejoindre les troupes polonaises, ce qui aida grandement à son identification à cette poignée de prisonniers qui accomplirent l’impossible.
Weir part donc d’un camp de travail soviétique alors que la deuxième guerre mondiale, sujet ô combien plus fédérateur, fait rage à l'Ouest. Un groupe d’hommes, pour la plupart polonais, décide de s’enfuir d’un camp bien que leur seul planche de salut réside à des centaines de kilomètres de la Sibérie, en Inde, alors sous domination Britannique. Laissant s’exprimer les protagonistes dans leur langue et s’imposant une réalisation d’un premier abord austère et académique comme le régime qui nous est décrit, Peter Weir nous permet d’évoluer dans les conditions naturalistes du grand froid auxquels étaient exposés les prisonniers politiques (le chef décorateur John Stoddart a dû reconstituer un goulag à l’échelle dans les studios de Bulgarie). Ici il n’y a aucune emphase, aucun rêve de liberté, juste de la survie et le réalisateur parvient néanmoins à immerger le spectateur dans son microcosme. Ce n’est que plus tard que l’académisme s'embrasera par intermittences comme le groupe quittera le camp et que nous découvrirons par petites touches le caractère, les histoires des compagnons et que les visées du groupe se transformeront.

Les Chemins De La Liberté
 

Les Chemins De La Liberté est construit sous forme d’hommage à ces hommes et se savoure comme une aventure, un film de voyage dans lequel les personnages avancent sans jamais savoir s'ils traverseront un jour la frontière politique du communisme. Le ton consommé de Peter Weir évite un lyrisme qui pourrait handicaper le film, car si on parle d’espoir, nous sommes bien loin des élans des Evadés de Frank Darabont. Des liens timides se tissent entre ses personnages hors du commun campés par des acteurs brillants. L’intelligence du réalisateur aura été de faire passer des têtes connues pour instaurer un climat d’incertitude quand au destin des personnages. Qui partira ? Qui survivra au terme du voyage ? Il offre ainsi à Colin Farrell un rôle fugitif mais inoubliable et se permet de mettre en avant la faiblesse du personnage de "Mister" Ed Harris, malgré tout royal, tandis que Jim Sturgess (Janusz, le polonais) campe un leader de fortune aussi efficace que peu loquace. 

Comme le groupe se constitue au fil du temps malgré les barrières de nationalités, Weir profite pour semer un élément inattendu, une jeune fille, sorte de lien invisible qui accentuera l’ouverture des uns aux autres. Saoirse Ronan, révélation de Lovely Bones et de La Cité De L'Ombre, confirme que malgré son jeune âge elle peut voler des scènes à des acteurs nettement plus chevronnés. Sans perdre de sa nature insaisissable, elle explose la cellule masculine refermée et se propose comme interprète des vies de chacun, réservant ses meilleurs moments au lien qu’elle tisse avec le personnage campé par Ed Harris.

Les Chemins De La Liberté
 

Dans ce voyage, Peter Weir métamorphose un combat idéologique en un combat contre la nature, ramenant les positions politiques omniprésentes et la ligne d’austérité de l’époque à hauteur d’Homme, élevant la liberté au rang de mode de vie comme il avait si bien su le faire dans Le Cercle Des Poètes Disparus. Pendant ces longs mois, la nature et l’espace seront l’ennemi commun. Et la nature est un élément que Peter Weir maîtrise parfaitement. Sensé représenter un parcours passant par la Sibérie, le désert de Gobi et la Chine, Peter Weir transfigure les paysages de Bulgarie, de Maroc et d’Inde dans lesquels s’est déroulé un tournage qui fut aussi un véritable périple. A mi-chemin entre l'étrangeté et l'hostilité qu'il conférait aux espaces de Pique-Nique A Hanging Rock (à la découverte d’un point d’eau, la nature paraît carrément vivre) et des envolées lyriques qu'on lui a connu plus tard, Peter Weir profite de temps à autre du très beau  score de Burkhard Von Dallwitz pour imprégner nos rétines de superbes plans larges qui confèrent un caractère épique à l’aventure. Toujours ouvert à la découverte de mondes étrangers, le réalisateur trouve ici une épopée à la hauteur de ses envies en réunissant ce groupe hétérogène dans un quasi no man’s land. Lorgnant parfois vers le contemplatif, il pourrait faire du Terence Malick s'il ne préférait pas s'attarder sur ses hommes malmenés par l'Histoire et les moments où ils osent, malgré la mort qui guette, donner un peu d'eux-même à leurs compagnons. Et par ce choix, il nous offre un film d'une beauté rare.
8/10
THE WAY BACK
Réalisateur : Peter Weir
Scénario : Peter Weir & Keuth Clarke d’après l’œuvre de Slavomir Rawicz
Production : Joni Levin, Peter Weir, Duncan Henderson, Nigel Sinclair…
Photo : Russell Boyd
Montage : Lee Smith
Bande originale : Burkhard Von Dallwitz
Origine : USA
Durée : 2h14
Sortie française : 26 janvier 2011 




   

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