L'Incroyable Hulk
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- Critique par Nicolas Marceau le 28 juillet 2008
Ho ho ho ! Géant vert !
Louis Leterrier est un gars sympa. Franchement. Humble, appliqué dans son travail, gentil, avec beaucoup de recul sur son travail et le milieu du Cinéma... Malheureusement, ça ne suffit pas à faire de lui un grand cinéaste.
Tout au plus lui reconnaîtra-t-on des qualités de technicien solide, avec une certaine énergie dès qu’il s’agit d’emballer des scènes d’action mais avec aussi, hélas, une incapacité totale à insuffler de l’émotion dans ses histoires. Bref, le parcours de Leterrier ressemble à la success story d’un étudiant en cinéma dont l’ascension s’est faîte un peu par hasard au fil des commandes de divertissements. Un artisan honnête avec lui-même mais à qui il manque toujours cette vision d’artiste indispensable pour transcender un sujet ou se démarquer de la concurrence.
En somme, sa nomination à la tête du nouveau Hulk résonnait déjà comme une note d’intention de la maison Marvel qui préférait oublier le surprenant métrage d’Ang Lee. Comme c’était déjà le cas pour Iron Man, on sent que "la maison des idées" (produisant désormais elle-même ses adaptations de comics) souhaite bâtir son propre univers cinématographique sans avoir à s’encombrer de réalisateurs avec une vision trop personnelle de leurs héros. Le but n’est pas donc de surprendre en faisant preuve d’audace. Il s’agit juste de faire du divertissement carré en saupoudrant le tout de clins d’œil et d’effets d’annonce censés contenter les fans (visiblement, ça marche vu l’enthousiasme délirant soulevé par le film flemmard de Jon Favreau, essentiellement à cause d’UNE séquence post-générique).
Du coup, exit les expérimentations visuelles du réalisateur de Brokeback Mountain qui tentait de transposer un découpage de bandes dessinées sur grand écran par toute une série de split-screens et aux autres zoom dans l’image (sans même parler de ce plan fulgurant où le tonnerre laissait dans les nuages des empreintes de vignettes iconiques). Exit aussi toutes les ambitions du scénario qui liait dans un même mouvement la tragédie antique à la culture pop, avec en guise de climax un face à face verbal sur une fausse scène de théâtre s’achevant par un combat titanesque. Pour vous donner une idée de l’écart artistique qui sépare le film de Lee à celui de Leterrier : il faudra se contenter cette de trois piliers grecques en arrière-plan durant la baston finale pour nous rappeler que ce sont quand même des demi dieux qui se foutent sur la tronche.
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Le générique de L’Incroyable Hulk donne le ton des deux heures à suivre puisqu’il condense en deux minutes ce qui sera censé être la base des enjeux dramatiques à venir. Une succession d’images plates à la photo d’une laideur sans nom défile sur l’écran, semant le trouble dans l’esprit du spectateur : non, il ne s’agira pas ici de résumer le film d’Ang Lee mais bien d’aller dans une autre direction, notamment vers l’hommage à la piètre série télé avec Lou Ferrigno. Exposition aux rayons Gamma, transformation de Banner, fuite. Point. Le souci est qu’en s’éloignant du premier film (et donc des bases que le public a déjà en tête), on se retrouve brusquement avec des enjeux nouveaux qui ne sont jamais vraiment exposés. Ainsi, il faudra accepter en un temps record l’idée que Hulk est désormais le fruit d’expérimentations militaires (une sorte d’effet d’annonce pour le sérum de super-soldat et pour le projet Initiative), que Betty a été blessée et n’a jamais vu Banner se changer en Hulk et que ce dernier est désormais en fuite au Brésil. Les relations entre les personnages en prennent un sacré coup et l’émotion avec. Ainsi, la relation entre Betty et Banner sonne constamment faux, leurs retrouvailles censées être déchirantes ne répondant à rien, particulièrement pour le personnage féminin dont on ignore bien quelle était au fond la nature de sa relation avec Banner et la façon dont elle a vécu sa disparition. Il faut dire aussi que Leterrier ne s’est jamais distingué par sa maîtrise de la complexité des sentiments humains et que, par conséquent, il est bien difficile de s’attacher à des personnages dont les échanges se résument à des conversations hésitantes dans un couloir, à des virées ridicules en taxi à New York et à des partis de cache-cache derrière la poubelle d’un restaurant (on a connu romance plus déchirante...). Si on y ajoute une direction d’acteurs catastrophique (Edward Norton en mode Dragon Rouge, Liv Tyler en mode Liv Tyler, Tim Roth en caricature de méchant…) et la volonté de ne surtout pas sortir du cahier des charges du blockbuster estival (la tentative de suicide qui devait ouvrir le métrage a tout bonnement été retirée du montage), on se retrouve avec un divertissement standard, sans âme, sans émotion et sans souffle.
Pas franchement très beau en terme de réalisation (on est vraiment dans le passe-partout aux limites du téléfilm qu’était déjà Iron Man), L’Incroyable Hulk rame sérieusement à captiver son audience tant sa structure narrative redondante n’offre strictement aucune surprise. En gros : Banner fuit l’armée mais est rattrapé le soldat Blonsky. Il lui rétame la face et s’enfuit. L’armée le traque à nouveau, le retrouve et le soldat Blonsky se fait encore laminer. Alors Banner s’enfuit encore et retrouve une troisième fois le soldat Blonsky (devenu l’Abomination) qui, évidemment, se fera exploser la tronche mais restera en vie, dès fois qu’un quatrième round soit prévu dans un futur film. Dans le genre basique, le film de Leterrier se pose là . Du coup, on s’emmerde pas mal en attendant que l’action envahisse l’écran puisque les affrontements sont les seuls moments à témoigner d’un minimum d'ambition. Evidemment, on se gardera bien de comparer ces scènes avec celles d’Ang Lee puisque chez lui, le combat contre les chiens mutants, la fuite dans le désert et le climax permettaient de donner du poids à ses enjeux romantiques et Oedipien. Mais pour peu qu’on accepte d’oublier le Hulk premier du nom, on admettra que le look de cette nouvelle version du géant vert a de la gueule, à la fois plus sauvage, massive et dévastatrice que jamais. On dira ce qu’on voudra mais voir le Colosse de Jade déchirer une voiture en deux pour s’en servir comme arme, lutter contre de violentes ondes sonores ou enfoncer la tête de l’Abomination dans le sol à coup de poings, ça le fait. C’est direct, c’est bourrin et c’est fun. Le plaisir est immédiat et temporaire (vu qu’on se tape moins de dix minutes d’action pour plus de trente minutes de blabla soporifique) mais il est là . Â
Plus honnête que ces carnages sur pellicules que pouvaient être Ghost Rider ou Les Quatre Fantastiques, L’Incroyable Hulk n’en demeure pas moins une bande anonyme à mille lieux du film d’Ang Lee qui, aussi imparfait soit-il, n’était dépourvu ni d’audaces et ni de point de vue. Une sorte de test pour la Maison Marvel histoire de tâter le terrain en vu d’une éventuelle suite (avec le Leader en bad guy ?) et d’exciter les fans de comics en leur promettant un métrage sur les Vengeurs… Mais en toute franchise, si les futures adaptations des Vengeurs ou des Guerres Civiles doivent être aussi plates et molles que ce Hulk ou qu’Iron Man, alors à L’ouvreuse, on n'en veut pas.
THE INCREDIBLE HULK
Réalisateur : Louis Leterrier
Scénario : Zak Penn
Production : Avi Arad, Kevin Feige, Gale Ann Hurd
Photo : Peter Menzies Jr.
Montage : Rick Shaine, John Wright & Vincent Tabaillon
Bande Originale : Craig Armstrong
Origine : USA
Durée : 1h52
Sortie Française : 23 Juillet 2008