Jennifer's Body + I Love You, Beth Cooper

Acnée zéro

Affiche Jennifer's Body

L'heure est grave. Le teen movie US se porte mal. Si les Lolita Malgré Moi, Girl Next Door et surtout les quelques prods Apatow (SuperGrave et Freaks And Geeks en tête) présageaient du meilleur il y a encore deux ans, aujourd'hui la mayonnaise retombe dangereusement. Entre les High School Musical, les Twilight et autres 17 Ans Encore, le genre tire la tronche. État des lieux pas fameux avec deux films sortis le mois dernier.


Vu de loin, Jennifer's Body s'annonçait déjà très mal : Jason Reitman et Diablo Cody, les coupables de Juno, le film qui ne raconte rien, allaient produire et écrire un film sur Needy et sa copine Jennifer, une fille alpha qui se met à dévorer des proies sexuelles dénichées à la récré. Au final, un scénario qui rivalise d'indigence avec celui de Juno. L'histoire n'est jamais cohérente : Needy refuse de voir que sa copine s'est transformée en monstre alors qu'elle l'a sous les yeux dès le début, les deux copines ne vont pas du tout ensemble (même si les auteurs tentent de nous faire avaler la pilule à grands coups de flashbacks inutiles pour qu'on comprenne bien qu'elle étaient amies d'enfance), et l'idée que le personnage de Jennifer représente la femme naissante en Needy n'est bien sûr jamais exploitée, rendant ce dernier personnage quasi inutile. Ce qui est un peu dommage pour un personnage principal.

Et ce n'est pas en faisant une référence bidon à Carrie que Diablo Cody fera illusion. Car l'esbroufe, la dame connaît. Entre les idées qui sortent du nulle part (les deux filles semblent dès le début douées de connexion télépathique... Pourquoi ? Comment ?), les passages obligés bâclés (la scène de baiser entre les deux filles, qui ne sert à rien et ne mène sur rien), la liste de tous les liens html pour faire genre qu'on a compris les adolescents (Facebook, MySpace et Wikipedia en tête)... Bref, un scénario qu'on croirait écrit entre deux soirées mousse dans un nightclub de Santa Monica.

Comme si ça ne suffisait pas, la mise en scène fonce elle aussi dans tous les murs. Revoilà le vieux classique de la moche interprétée par une bombasse à qui on a donné des lunettes et attaché les cheveux. C'est simple, on se croirait dans une parodie type Sex Academy. Sans parler des scènes de peur qui datent d'il y a vingt ans (et encore). Reconnaissons tout de même que pour effrayer avec la dernière couv' de Men's Health, faut quand même avoir un certain talent, mais là tout est fait pour qu'on n'ait pas peur : un chat qui surgit, un rat qui surgit, un corbeau qui surgit, une porte entrouverte grinçante, sans oublier la bonne vieille main sur l'épaule... La réalisation ne recule devant aucun effet éculé pour couler son film. Et si Juno restait à peu près regardable grace à son excellente actrice principale, Jennifer's Body s'écroule définitivement sous l'interprétation de Megan Fox, qui joue aussi bien que mon pied gauche.

Jennifer's Body
Inside the Actors Studio with Megan Fox : la joie


En fait, dans Jennifer's Body, tout semble avoir dix ans de retard : Le film doit son titre à un morceau tiré d'un album de Hole datant de 1994. Le mélange de comédie, d'horreur et de psychopathes cyniques nous ramène à l'époque des sous-Scream. On ne peux alors s'empêcher de voir en Diablo Cody la Kevin Williamson des années 2000. Ce qui n'est pas très sympa pour ce dernier, je vous l'accorde. Ajoutez une petite touche de Cameron Crowe du pauvre pour les quelques références rock, et on se croirait revenu en pleine période grunge.

Bien sûr comme dans Juno, les personnages parlent de vrai rock, écoutent du vrai rock, aiment le vrai rock, ont des affiches de vrai rock chez eux, mais comme c'est bizarre, la bande son est saturée de "pop-rock", cette soupe infâme sans guitares saturées. Mais ici, ils font encore plus fort, car le propos de Jennifer's Body est de dénoncer ça, à travers le groupe de rock du film qui fait de la musique encore plus gay que Coldplay. Ainsi par exemple, le dernier plan du film montre l'héroïne, capuche sur la tête, croiser les groupies du groupe pour bien signifier qu'elle marche contre le courant. Mais ce propos est totalement parasité par de longues scènes bien lourdes où le groupe en question joue des chansons entières en contre plongée, brouillant ainsi complètement un propos final qui ressemble du coup un peu à du foutage de gueule.

Jennifer's Body, comme Juno, est un film qui voudrait décrire la vraie adolescence de la vraie vie, mais qui ne prend jamais le risque d'y aller vraiment. Au lieu du nihilisme, de la violence et de la rebellion propres aux teenagers, ces films s'attardent sur tout le reste : les jeunes qui découvrent l'homosexualité (mais pas trop) pour le cachet Gus Van Sant, et le rock mou pour ne choquer personne.


Affiche I love you Beth CooperFace à ça, I Love You, Beth Cooper a un mérite : il ne se la joue pas faux indépendant qui va t'expliquer l'adolescence, et reste un pur produit hollywoodien à l'ancienne. Il est certes aussi nul (voire plus) que son concurrent, mais il a au moins le mérite de ne pas mentir sur la marchandise. Le dernier Chris Columbus est un teen movie californien de base avec univers fantasmé, couleurs saturées, ciel bleu, ados tous riches et figurants tous beaux.

Malheureusement, le film est désespérément plat, jamais drôle ni même crédible. Adapté d'un livre de Larry Doyle, scénariste des Simpson, Beth Cooper c'est l'histoire classique de La Belle Et La Bête au pays des bus jaunes et des quartiers résidentiels. Le fantasme basique du geek laid comme un pou qui pécho la cheerleader, en somme. Si ce postulat passait dans Transformers parce que le désir de voir des robots géants casser des trucs l'emportait sur tout le reste, ou dans Une Créature De Rêve parce que la fille elle-même était un robot, ici on n'y croit pas une seule seconde.

D'abord parce que rien ne vient jamais justifier que Beth Cooper puisse être attirée par le héros. Le geek n'est jamais attachant. Il n'est juste qu'une grosse tête à claque pseudo-romantique à la Can't Hardly Wait. Impossible de croire un seul instant que ce héros de pacotille puisse intéresser la biatch du lycée, même pour rire. Ensuite parce que les acteurs jouent comme des robots des dialogues mal écrits, et que les références à la geekitude sonnent si justes qu'on croirait le film écrit par Lio et François Fillon. Enfin parce que même "l'apprentissage de la vie" du héros au contact de Beth sonne faux, là où sur le même traitement, Girl Next Door, repompé ici de tous côtés, parvenait à un résultat vraiment convaincant.

I Love You Beth Cooper

Encore pire, les personnages ne sortent jamais de leur stéréotypes. Que ce soit la fille-jolie-mais-pas-si-conne, la brute et son pickup, les trois pétasses, le geek... Tous les personnages sont à l'avenant, restant coincés dans leur statut de caricatures jusqu'au générique de fin. On sait pourtant depuis Breakfast Club que les bons teen movies sont ceux qui prennent des archétypes pour point de départ avant de révéler l'humanité derrière les masques sociaux.

Sorti en coup de vent en France, le dernier Columbus (dont on se demande un peu ce qu'il fait là, avec son CV plus adapté aux films pour enfants qu'aux films pour teenagers) ne contentera même pas les fans les plus hardcore de teen movies.

Judd Apatow, quand tu veux t'en produis un autre.

4/10
JENNIFER'S BODY
Réalisatrice : Karyn Kusama
Scénario : Diablo Cody
Production : Daniel Dubiecki, Mason Novick, Jason Reitman
Photo : M. David Mullen
Montage : Plummy Tucker
Bande originale : Stephen Barton, Theodore Shapiro
Origine : USA
Durée : 1h41
Sortie française : 21 octobre 2009









3/10
I LOVE YOU, BETH COOPER
Réalisateur : Chris Columbus
Scénario : Larry Doyle
Production : Chris Columbus, Mark Radcliffe, Michael Barnathan
Photo : Phil Abraham
Montage : Peter Honess
Bande originale : Christophe Beck
Origine : USA, Canada
Durée : 1h41 aussi
Sortie française : 7 Octobre 2009




   

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