Hôtel Woodstock

Acide anémié

Affiche Hôtel Woodstock
 

La guerre contre les aliens, la guerre contre les mines, la guerre contre les internautes : everywhere is war chantait Bob. Du coup Ang Lee vient nous faire danser l'amour avec des fleurs dans les cheveux et de la boue dans ton boule.


On connaît chez Lee le goût pour la reconstitution soigneuse d'une période précise du XXème siècle (The Ice Storm, Brockeback Mountain), mais concernant le plus grand festival hippie de la planète, on attendait surtout le cinéaste furieux qui accoucha avec Hulk de séquences suintant la sève pop et psychédélique. S'il était capable de nous balancer des méduses violettes fluo dans un blockbuster estival, qu'allait-il nous envoyer avec 500 000 perchés venus envahir une petite bourgade pour protester contre un monde en perpétuel conflit ? Ben pas grand-chose, et c'est bien triste.

Probablement trop imprégné de la rigueur de ces deux derniers bijoux mi-dramatiques mi-historiques (dont Lust, Caution), Lee n'arrive à aucun moment à s'émanciper du point de vue d'Elliot Tiber, l'auteur de l'autobiographie à l'origine du métrage, et héros de ce festival qu'il sauva de l'annulation en proposant aux promoteurs de venir s'installer dans son village pour leur petite sauterie. Si l'intérêt de ce Taking Woodstock résidait principalement dans la découverte des coulisses de ce festoche mythique, on peut reprocher à l'auteur de Salé Sucré de s'être attardé sur ce qui reste au final de l'anecdote rencontrée sur tous les festoches du monde (oui il y a de la grosse logistique, oui il y a beaucoup de monde, oui il y a des producteurs qui marchandent autour d'une table), oubliant d'illustrer en quoi fondamentalement cet évènement marqua son époque. Le contexte historique se limite à un vétéran campé par Emile Hirsch et quelques villageois grognant pour sauver leurs vaches, le contexte musical à une BO anecdotique de Danny Elfman. On y retrouve les mêmes tares que le récent Good Morning England, dont les personnages nous saoulaient pendant deux plombes de rock et de contre-culture quand la bande originale enquillait les titres pops insignifiants. Ici c'est pareil, et c'est même pire (on parle de Woodstock tout de même !) : Lee nous montre six saltimbanques se mettre à poil sur scène devant cinquante péquenots, et ce sera le seul acte artistique et contestataire du film…

Hôtel Woodstock
 

Approchant Woodstock 69 comme un événement historique avant d'être un phénomène populaire, Ang Lee se borne à suivre des personnage voués à rester loin de l'action (non mais on s'en cogne que le petit Elliot soit tout fâché avec sa maman quand y a Crosby, Still Nash & Young qui écrivent une page de l'histoire du rock à côté), à élaborer des tactiques dans des baraquements, et finalement à débarquer sur le champ de bataille une fois que tout est fini : par le plan symbolique du producteur Mike Lang à cheval en haut d'une colline contemplant l'air satisfait le champ dévasté, Lee laisse l'impression que tout ce qui comptait pour les organisateurs de la chose était de saccager une ferme.

Passablement chiant et maladroit, mais très joliment mis en image,
Hôtel Woodstock aurait gagné à prendre un peu de liberté si ce n'est avec l'Histoire (attention hein, Télérama veille) (et le documentaire de Michael Wadleigh avait déjà fait depuis longtemps une partie du boulot), du moins avec la bio d'Elliot. Heureusement que ce dernier se laissa tenter par un petit trip au LSD, car c'est tout simplement la séquence la plus réussie du film, dans laquelle Lee parvient à faire ressentir ce que fut Woodstock : une vague de gens mal coiffés éclaboussant la culture populaire.

5/10
TAKING WOODSTOCK
Réalisateur : Ang Lee
Scénario : James Schamus d'après le livre de Elliot Tiber & Tom Monte
Production : Ang Lee, James Schamus, Celia D. Costas…
Photo : Eric Gautier
Montage : Tim Squyres
Bande originale : Danny Elfman
Origine : USA
Durée : 1H50
Sortie française : 23 septembre 2009




   

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