Harry Potter Et Les Reliques De La Mort - Partie 2
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- Critique par Nicolas Marceau le 27 août 2011
Epic failure
Previously on Harry Potter : alors que Steve Kloves fait n’importe quoi au scénario depuis ses débuts sur la franchise, David Yates fait de son mieux pour masquer son incapacité totale à élaborer un univers fantastique inquiétant et ensorcelant.
Alors que la Grande Bataille finale approche, les fans fébriles se demandent comment vont être résolus les arcs narratifs mis en place n’importe comment et s'ils vont enfin avoir droit à une scène d’action potable.
La réponse, vous la connaissez sans doute déjà . Elle avait déjà été prophétisée en ces lieux en novembre dernier, au moment où sortait la première partie des Reliques De La Mort. Une déduction après expertise si prévisible qu’il serait inutile de s’y attarder si toute la presse et le grand public ne s’excitaient pas en cœur sur cette vaste arnaque qui aura quand même duré près de dix ans. Epargnons-nous la séquence souvenir d’une décennie de films mal écrits et globalement mal réalisés : si vous souhaitez vous remémorer toutes les tares de cette saga sur grands écran, il vous suffit de vous rendre ici ou ici.
Dans ce dernier texte, j’émettais déjà des doutes quand à la possibilité d’un chapitre final qui parviendrait à retomber sur ses pattes tout en déployant l’imagerie spectaculaire qui manquait méchamment à David Yates. Aucune volonté de jouer les oiseaux de mauvais augure, juste la constatation d’un fan des livres attristé de mesurer à quel point la densité de l’œuvre de J.K. Rowling s’était retrouvée appauvrie sur grand écran. Des bourdes tellement énormes ont été commises lors des précédents chapitres qu’il était de toute façon impossible d’espérer assister à une résolution cohérente des enjeux. Tout au plus pouvait-on attendre du film une vaste tentative de limitation des dégâts camouflée par un déluge d’effets numériques.
Si Le Prince De Sang-Mêlé était parvenu à ne pas du tout traiter l'histoire de ce fameux Prince, Les Reliques De La Mort est logiquement un final qui n'exploite quasiment jamais des fameuses Reliques. Les objets sont bien là , à l’image, mais leur introduction dans le récit reste pour le moins évasive. Le joli conte animé de la première partie ne servira jamais de tremplin à une explication de l’origine de ces fameux objets. Nous ignorerons jusqu’au bout d’où provient la fameuse Cape d’Invisibilité remise à Harry dans le premier film et personne ne sera en mesure d’expliquer comment la Pierre de Résurrection s’est retrouvée dans le Vif d’Or légué par Dumbledore. La majorité des évènements semblent de toute façon atterrir constamment de nul de part, faute d’avoir été mis en place précédemment (quid du miroir que se trimbale Harry ?). Que certains éléments puissent passer pour des clins d’œil aux fans, pourquoi pas. Mais que le scénario ne possède aucune logique interne est déjà bien plus embarrassant.
On se souvient ainsi que Steve Kloves, dans la première moitié des Reliques De La Mort, avait choisi de supprimer la révélation de la grossesse de Tonk ("Nous n’avons pas de temps à perdre", interrompait alors Fol-Œil). Soit. Mais alors dans ce cas, pourquoi diable passer UNE MINUTE entière sur Lupin demandant à Harry de prendre soin de son enfant alors que son existence n’a même pas été établie au préalable ? Dans le même ordre d’idée, on se demandera bien l’intérêt de présenter le frère de Dumbledore à ce stade du récit si c’est pour passer sous silence tout le passif de ces deux personnages. On aura également le droit de s’interroger sur le décompte des fameuses Horcruxes par les héros, ceux-ci semblant parfaitement connaître leur nombre exact, quand bien même le sixième film avait totalement oublié de glisser l’information.
Ces détails d’ordre narratif auraient à la rigueur pu s’effacer derrière l’émotion de ce grand final apocalyptique si seulement les auteurs s’étaient donné la peine de faire vivre ce petit monde. Car c’est sans doute là le plus grand tour de force de ce huitième et ultime volet de la saga Harry Potter : après dix années de (très) long-métrages et de promesses, pas un souffle d’émotion ne vient résonner comme un baroud d’honneur du monde de Poudlard. Tous les seconds rôles apparus jusqu’à présent n’ont droit qu’à un seul plan chacun (au mieux avant la bataille, au pire à l’arrière-plan durant les courtes hostilités) ou bien meurent hors-champ (Lupin, le frère Weasley) quand ils ne sont pas tout simplement réintroduits en dépit de toute logique (Luna kidnappée dans la première partie des Reliques De La Mort réapparaît tranquillement dans la Salle sur Demande, Hagrid se retrouve prisonnier dans la Forêt sans qu’on ne comprenne comment et pourquoi il est arrivé là …). Par décence, nous éviterons d’évoquer la mort de Bellatrix Lestrange destinée à exploser comme un vulgaire Epouvantard.
Quand à la grande Bataille Finale, censée être à Harry Potter ce que le Pelennor est au Seigneur Des Anneaux, elle demeurera à l’état de fantasme, la jolie mise en place débouchant sur une poignée de money shots n’impliquant jamais le spectateur dans l’action. Les araignées et les détraqueurs viendront faire coucou trois plans et demi chacun, les géants n’arracheront aucun morceau de mur du château, les loup-garous se limiteront à une bande de rockeur pouilleux surgissant des bois… Quand aux centaures, ils n’auront même pas le droit d’apparaître, pas plus que les fantômes du château. Pour un univers épique de fantasy, on aura rarement vu autant de radinerie de la part de producteurs pourtant déjà grassement récompensés au box-office. Il faut dire qu’après la Coupe du Monde de Quidditch évoquée hors-champ et la suppression du climax du Prince De Sang-Mêlé, on est plus vraiment à ça près…
On se souvient que J.K. Rowling avait fait part, avant le tournage du film, de son souhait de voir Alfonson Cuaron revenir à la réalisation pour cet ultime volet. On comprend aisément à la lecture du livre les raisons de ce choix : quiconque a vu Les Fils De L’Homme et ses séquences de guérillas urbaines filmées en plan-séquence savent que l’auteur britannique avait certainement en tête une immersion similaire dans l’action, avec son héros plongé au cœur d’un chaos incontrôlable. Mais une telle approche du spectaculaire aurait sans doute impliqué une intensité dramatique trop forte à supporter pour les plus jeunes spectateurs. Car même si la Warner se borne à nous faire croire que les films ont grandi avec leur public pour aller vers quelque chose de plus sombre, il n’en est rien. Les enjeux sont certes un peu plus forts qu’auparavant et la lumière moins vive. Mais on reste toujours abasourdi par l’intrusion de séquences romantiques et comiques en total décalage avec la gravité des évènements en cours. La séquence du pont de bois débutera et se conclura par un pauvre gag minable, les tortures infligées aux élèves seront évoquées par une seule réplique avant que tout rentre dans l’ordre ("Les mauvais élèves au cachot, lol !"), le baiser tant attendu entre Ron et Hermione débarque comme un cheveu sur la soupe et la première pensée des protagonistes dans la bataille concerne systématiquement leurs histoires de fesses ("Touchez pas à ma copine.", "Il faut absolument que j’aille dire à Luna que je l’aime mdr !").
Dans le fond, les producteurs veillent à ce que le grand public continue de croire que Harry Potter est un monde magique avant tout. Et tant pis si le binoclard a toujours précisé qu’il allait dans une école de sorcellerie, terme bien moins connoté merveilleux. Conséquence logique de cet affadissement général : tout ce qui pourrait chambouler un ou deux neurones du spectateur moyen a soigneusement été oublié en cours de route. Non, nous ne verrons pas Voldemort s’amuser avec le cadavre d’Harry, pas plus que nous n’assisterons à l’humiliation de Neville quasiment immolé en place publique. Quand à ce passage ambiguë du livre où Harry torturait un mage noir pour défendre son professeur, il injectait sans doute trop d’ombre sur l’aura du héros noble et pur que le studio tente de nous vendre…
Au milieu de ce marasme aux transitions narratives foireuses et anti-spectaculaire au possible surnage péniblement la substance de l’œuvre de Rowling menée à son terme. Avec la conclusion de sa saga littéraire, l’auteur anglais clôturait le voyage spirituel de Harry Potter destiné, comme tout héros mythologique, à dissoudre son ego pour atteindre la transcendance. Dans un rapport dual n’étant pas sans rappeler le combat liant Néo et l’Agent Smith dans la trilogie Matrix, Harry comprenait que l’Eveil passait nécessairement par l’acceptation de la Mort. Les couples d’opposés s’affrontent et s’annulent, Harry se laissant tuer par l’homme à la tête de serpent (symbole mythologique de l’ego) qui se détruit lui-même (Harry possède en lui un fragment de l’âme de Voldemort). La quête des trois Reliques de la Mort doublée à celle des sept Horcruxes tendaient ainsi à l’Immortalité du héros, Rowling définissant les fameuses Reliques comme "une image de ce qui ressemblait à un oeil triangulaire dont la pupille était barré par une ligne verticale". .Autrement dit le troisième œil, symbole de la conscience voyant au-dessus et au-delà de la nature. Un au-delà aux formes abstraites, tel ce décors épuré de la gare de King’s Cross, véritable plongée dans l’inconscient du héros.
Avec Les Reliques De La Mort, J.K. Rowling clôturait un récit annoncé dès le premier tome d’introduction : une quête de la Pierre Philosophale, un fabuleux récit d’alchimiste passant par les étapes de Phase Noire (la perte de toute chose dans L’Ordre Du Phénix), de Phase Blanche (Harry se purifiant en assumant la quête que lui a attribuée Dumbledore dans Le Prince De Sang-Mêlé) et enfin la Phase Rouge (Harry détruisant son Moi Suppérieur dans Les Reliques De La Mort).
On ne pourra que regretter une fois de plus que David Yates et Steve Kloves (scénariste du reboot de Spider-Man : Dieu nous vienne en aide) ne se soient pas interrogés davantage sur la symbolique des différents objets choisis par Voldemort pour constituer ses Horcruxes, chacun d’entre eux devant mener à la destruction finale de l’ego (la tête avec le diadème de Serdaigle, le journal de Tom évoquant le subconscient, le serpent renvoyant à la colonne vertébrale, le médaillon de Serpentard incarnant le cœur…). Les enjeux financiers de la franchise ont eu raison de la puissance évocatrice de l’œuvre littéraire. Et si l’affaire s’est avérée juteuse au box-office pour la Warner, pas sûr que la saga cinématographique demeure aussi longtemps dans les cœurs des spectateurs que dans celui des lecteurs.
HARRY POTTER AND THE DEATHLY HALLOWS - PART 2
Réalisateur : David Yates
Scénario : Steve Kloves, d'après le roman de JK Rowling
Production : David Heyman, David Baron & J.K. Rowling
Photo : Eduardo Serra
Montage : Mark Day
Bande Originale : Alexandre Desplat
Origine : USA
Durée : 2h10
Sortie Française : 13 juillet 2011