Parks And Recreation – Saison 6
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- Série TV par Guénaël Eveno le 20 juin 2014
City of Knope
A ses débuts en 2009, rien ne laissait présager que Parks And Recreation soit encore là en 2014, et encore moins qu'elle trônerait au-dessus de la mêlée des sitcoms US.
Du moins, pas avec ses six premiers épisodes tâtonnants au sein du service des espaces verts de Pawnee, Indiana, dirigé par une femme de conviction mue par un sens démesuré du service public. Centré sur une Leslie Knope alors caricaturale, Parks & Rec ne déployait pas encore tout son potentiel en matière de personnages et d’acteurs exceptionnels.
La série est née de l’association de Greg Daniels et Michael Schur, respectivement showrunner et scénariste sur The Office version américaine, qui fit autorité en matière de patience et de résultats : The Office US dut attendre sa deuxième saison pour s’émanciper de son aînée anglaise créée par Ricky Gervais et Stephen Merchant et acquérir sa propre identité par le remplacement progressif de l’embarras et de l’humiliation caractéristiques de David Brent (Gervais) par une empathie croissante envers son homologue Michael Scott (Steve Carell). Tandis que les personnages qui gravitaient autour de la Dunder Mifflin Paper Company Inc. devinrent plus réguliers, contribuant à créer une proximité avec l'univers du show. Greg Daniels et ses auteurs avaient trouvé ainsi une manière originale et diablement empathique d’exploiter le format du faux documentaire. Née sous la même forme, Parks And Recreation devait bénéficier de l’expérience acquise sur The Office mais nécessitait également cette phase de flottement et de découverte. Tous les légers défauts de la première saison seront progressivement gommés et l’attachement au casting (le meilleur depuis Arrested Development) ira crescendo jusqu’aux arrivées d’Adam Scott et de Rob Lowe, derniers renforts qui permettront au show d'atteindre sa vitesse de croisière.
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Parks And Recreation vivait cette année sa sixième année. Un passage critique qui avait sonné le glas de l’âge d’or de son modèle, dont les principaux symptômes étaient la répétition et la sur-caractérisation des personnages. De plus, deux membres du casting principal quittaient le show tandis que les autres protagonistes semblaient tous boucler leur arc principal et enfin construire leur vie. Un air de conclusion ? Loin s'en faut. Le mariage d’un personnage clé expédié à la va-vite en pré-générique de l’épisode de reprise, faisant fi des traditionnelles saisons pompeuses de préparation pour un tel événement, annonçait que Parks & Rec n'en avait pas fini avec la singularité de ses personnages et de leur évolution loin des chemins balisés.
PAWNEE EXPRESS
Le plus important défi de cette saison 6 était la gestion du départ d'Ann Perkins (Rashida Jones) et de Chris Traeger (Rob Lowe). Rapprochés lors de la cinquième année, leur départ coïncide avec la naissance de leur enfant et paraît donc logique. Les scénaristes amorcent avec doigté ce départ prévu avant le lancement de la production de cette saison, prenant soin d’éloigner Ann et Chris des intrigues principales, donnant ainsi un avant-goût de ce que sera la série sans eux.
L’appel du grand écran se fait aussi entendre pour les talentueux acteurs que la série a lancés, en premier lieu Chris Pratt, qui a prêté sa voix au héros de La Grand Aventure Lego et sera aux premières loges dans Les Gardiens De La Galaxie de James Gunn. Pratt n’a pourtant pas abandonné le show, son absence des premiers épisodes étant justifiée par un long séjour en Angleterre où il développe un projet (bien malgré lui) avec le concours d’un noble local. Adam Scott et Aubrey Plaza, eux aussi très en vue, sont pour l’instant fidèles au poste.
Parks & Rec a su compenser absences et départs par la force de ses seconds rôles et autres guests qui occupent une place à part entière dans la série. Nous aurons en première ligne le retour des Saperstein, enfants gâtés frivoles qui se terrent derrière le patriarche (Henry Winkler, le Fonzie de Happy Days). On découvrira Sam Elliott en pendant hippie de Ron Swanson dans un épisode hilarant incorporant à Pawnee l’équipe municipale de la ville voisine Eagleton. Il en sortira un nouveau régulier caractériel, Craig, qui jure un peu avec la faune habituelle par son absence de nuance. Les récurrents n’ont de leur côté plus rien à prouver : Ron aura de beaux moments et sa relation avec Diane (Lucy Lawless) lui permettra de grandir sans laisser de côté les meilleurs traits du personnage. Andy et April poursuivent leur union atypique tout en apportant un degré de folie salutaire à la série. Tom Haverford acquiert de son côté un capital sympathie supplémentaire alors que ses ambitions dans le secteur privé sont soumises à rude épreuve.
L’UNION FAIT LA FORCE
Cette saison 6 abordera un cap difficile de la carrière de Leslie Knope (Amy Poehler), qui subit son poste de membre du conseil de Pawnee mais se dirige vers une période clé de son évolution politique. Lors du double épisode spécial qui ouvre la saison à Londres, Leslie est invitée à un gala de récompenses pour des femmes publiques. Elle y commet l’impair d’exprimer haut et fort sa lassitude face à l’absence de reconnaissance des habitants de Pawnee. Les actions qu’elle a menées avec passion et dévouement pour sa ville n’ont conduit qu’à lui attirer des campagnes de dénigrement et les coups bas des autres membres du conseil, sa plus farouche opposition se composant d’un dentiste perfide et d’un harceleur sexuel notoire. L’épisode londonien se conclut sur deux notes positives provenant des deux personnages les moins expansifs du service des parcs : un bel échange avec April Ludgate (géniale Aubrey Plaza) vante à sa manière les qualités de Leslie et sa capacité exceptionnelle à tout donner pour combler ceux qu’elle aime, partie émergée de l’inspiration qu'est Leslie pour une April qui a nettement plus évolué qu’elle ne veut le laisser paraître. Le second vient de Ron Swanson, symbole de l’intégrité portée dans ses derniers retranchements, qui, dans son rôle de vieux sage, rappelle à Leslie qu’elle ne recevra sans doute rien en retour mais ne doit pas minimiser les résultats de son action.Â
Les campagnes anti-Leslie Knope et leurs conséquences rythment une grande partie de la première moitié de cette saison 6, mais l'héroïne continue de trouver les ressources dans son entourage pour affronter les coups durs. Elle devra apprendre à faire le deuil de certaines perspectives qu’elle avait pour Pawnee et accepter la reconnaissance et les opportunités qui viennent de l’extérieur.Â
Le second volet politique de cette saison est la fusion entre Pawnee et Eagleton. La rivalité des deux villes voisines, qui peut se schématiser dans une guerre des rustres (Pawnee) contre les snobs (Eagleton), voit un nouveau développement dans le contrôle financier opéré à la demande de l’Etat fédéral. Eagleton en situation de banqueroute, la représentante de la ville incarnée par Kristen Bell n’a pas d’autre choix que d’accepter l’idée de Leslie : fusionner les villes séparées depuis des siècles. La difficile cohabitation des deux peuples nous réserve des moments parmi les plus drôles de la série. La dernière partie de la saison se concentre logiquement sur le concert pour l’unité qui a pour but de récolter suffisamment d’argent pour les deux villes. Â
La série de Schur et Daniels a toujours su poser un regard intéressant sur la politique américaine, à mi-chemin entre l’idéalisme des séries d’Aaron Sorkin (A La Maison Blanche, The Newsroom), la décontraction de Spin City et le cynisme de Veep. (1) Le final de cette saison est un beau compromis des trois. Schur et Daniels apportent peut-être une solution fantaisiste mais illustre leur effort pour ne pas freiner l’évolution de Leslie et sa grande motivation. Cette sixième année charrie ainsi plus que jamais une croyance surannée dans les bienfaits de l’action publique. Croyance qui rend d’autant plus paradoxal le fait que Parks & Rec soit encore inédit en France, un des pays les plus attachés au service public, alors qu’il bénéficie d’une bonne estime aux Etats-Unis.
Renouvelés par NBC, Leslie et les siens continueront d’aller de l’avant pour une dernière saison avec une belle redistribution des cartes. Ils auront dans leur sillage la deuxième saison de Brooklyn 99, nouvelle co-création de Michael Schur mettant en scène Andy Samberg (ancien collègue du Saturday Night Live d’Amy Poehler) au cœur de l’équipe de bras cassés d’un commissariat de New York : sûrement l’une des meilleures nouveautés de cette année 2013/2014. La relève est donc bien assurée.
(1) Série de HBO (diffusée en France sur OCS) tout à fait recommandable mettant en scène Julia Louis-Dreyfus en vice-présidente des Etats-Unis.
PARKS AND RECREATION - Season 6
Showrunners : Greg Daniels, Michael Schur
Scénario : Greg Daniels, Michael Schur, Alan Yang, David King, Aisha Muharrar...  Â
Réalisation : Dean Holland, Michael Schur, Ken Wittingham...
Casting : Amy Poehler, Nick Offerman, Aziz Ansari, Rashida Jones, Aubrey Plaza, Chris Pratt, Adam Scott, Rob Lowe, Retta, Jim O'HeirÂ
Production : Greg Daniels, Michael Schur, Amy Poehler, Dean Holland, Morgan Sackett, David Hyman...
Montage : Dean Holland, Mark Sadlek & Dan Schalk
Origine : USA (NBC)
Durée : 22 x 22 minutes
Sortie française : indéterminée
Commentaires
Veep m'a, par contre, pleinement convaincu pour le coup: (très) bon cast (Julia Louis-Dreyfus au top), dialogues acides, etc. et un "cynisme" assumé et malin.
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