Dead Like Me

Le ciel peut attendre

Affiche Dead Like Me

Lorsqu’un concept aussi original que Dead Like Me se retrouve annulé au terme de deux saisons, on tente inextricablement d’en découvrir les motifs.


On pense  en premier lieu qu’une série puisse faire preuve d’un avant-gardisme perturbant ou d’un classicisme redondant et finalement larguer son public. Il est possible également que le traitement du sujet puisse aller à l’encontre des attentes et finisse par lasser les plus persévérants. Les raisons peuvent donc être multiples mais une chose et sûre, il et difficile de comprendre pourquoi après un démarrage concluant, l’audimat s’est effondré et lui a value d’être sacrifiée au dépend de produits plus standards mais néanmoins adulés par les téléspectateurs. Pourtant, cette série produite par Showtime mérite de l’attention ne serait-ce que pour l’étonnant travail d’écriture qu’elle a nécessité. L’histoire relate le passage à l’âge adulte d’une jeune fille et les différents obstacles qu’elle va devoir franchir. Une sorte d’adaptation (très) libre d’Alice Au pays Des Merveilles sur un sujet universel qui n’a pourtant pas rencontré son public.

Dead Like Me
 


FAUCHEUR, UN MÉTIER D'AVENIR
Georgia vient d’atteindre la majorité et son esprit nonchalant ne se projette pas plus loin que le jour suivant. Sa mère, exaspérée par son comportement, va la bousculer et la pousser à intégrer la vie active en se trouvant un emploi, un point de vue que la jeune fille est très loin de partager. Malgré son maigre enthousiasme et un regard très spécifique sur la société qui l’entoure, elle court (à reculons) postuler au Happy Time et rencontre l’excentrique Dolorès qui, irritée par sa piètre motivation, l’affecte à un poste à la hauteur de son ambition : les archives (le trou à rat si vous préférez). Un peu plus tard dans la journée, en déambulant dans la rue durant sa pause déjeuner, l'héroïne meurt brutalement en se prenant un élément (plutôt insolite) de la station MIR. Maintenant âme errante dans le monde des vivants, on lui annonce qu’elle va devenir une entre-deux et son rôle se limitera à récupérer l’âme des  gens avant qu’ils meurent. Mutée au service des morts violentes, elle rejoint une équipe de quatre personnes. Parmi eux, Ruben, obsédé des post-its où il inscrit lieu, nom et date de la mort avant de les distribuer aux faucheurs, est le pilier du groupe. Son caractère impassible et énigmatique ne l’empêchera pas grâce à un sens de la morale très aiguisé de devenir le père spirituel de Georgia.
A l’opposé, un sacré bout de femme qui se nomme Roxy, dont le tempérament de feu allie subtilement sang froid et impulsivité, une féministe en puissance, dont le comportement solitaire n’empêche pas un sens troublant de la communication. Plus sociable mais plus irresponsable, Mason est un gentil looser dont les expériences hallucinogène et les trafics continuels forcent l’agacement et influent continuellement sur son mode de vie. Quand à Betty, jeune femme débordante de féminité dont l’égocentrisme à peine dissimulé ne l’empêche pas de la rendre attachante. Séduisante et intelligente, elle cache un esprit fragile et rêveur derrière son imposante frivolité. Ce personnage incarné par Rebecca Gayheart sera par la suite remplacé par une autre demoiselle au tempérament similaire prénommé Daisy, interprété cette fois par Laura Harris (que l’on a pu voir dans The Faculty) et qui entretiendra une relation très ambiguë avec Mason.

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LE SENS DE LA VIE
Ces cinq échantillons types vont former, encadrer, conseiller Georgia sans omettre de livrer leur philosophie personnelle (principe rappelant vaguement le conte des esprits de noël) forçant Georgia à se lancer dans de considérables réflexions qui la guideront progressivement sur le chemin de la maturité. La métaphore à ce niveau est si manifeste que l’interpréter reviendrait à paraphraser. Evident donc de voir en la mort de Georgia la fin de l’innocence et sa nouvelle situation l’amènera à aborder plus mûrement sa vie. Il en est de même pour ses compagnons, sorte de représentants familiaux dont les différents caractères permettent à Georgia de trouver son équilibre.
De plus, pour compliquer un peu la situation, Georgia apprend qu’elle va devoir s’assumer toute seule, se trouver un travail pour subvenir au minimum "vital" même si de par leur nature, les faucheurs n’ont pas de gros besoins vu qu’ils sont morts. Notre jeune blondinette va donc retourner au Happy Time et travailler avec Dolorès, mais cette fois ci avec beaucoup plus d’implication.

Grâce à ce schéma bien structuré et une fois les bases posées, l’analyse comportementale de notre héroïne s’amorce et plusieurs lignes directrices vont être développées : la nécessité de s’assumer, le besoin d’apprendre et l’importance de projeter son avenir sont les sujets principalement abordés, cette analyse pertinente et sans fioriture, nous renvoie bien sur à notre vécu. Georgia, face à ses responsabilités devra, pour évoluer, adopter un comportement responsable. Sa première mission en est d’ailleurs très illustrative puisqu’elle concerne une fille de huit ans. Une épreuve somme toute symbolique puisqu’elle expose ses premiers pas dans une "nouvelle vie". L’hésitation provoquée par les différents choix devient alors métaphorique. En laissant l’enfant suivre sa destinée (la mort) elle assume son nouveau statut et fais ses adieux à l’innocence, la sauver par contre reviendrait à fuir ses responsabilités.
Ce procédé de reproduction sera un des principaux ressorts de la série et rendra le sujet relativement plus abordable notamment pour exprimer la progression de l’héroïne. On le remarque par exemple avec son "foyer" qui d’un modeste studio deviendra au fil des épisodes une villa.

Dead Like Me
 


JOURNAL INTIME D'UNE FAUCHEUSE
Le foyer justement, une notion qui revient fréquemment par l’intermédiaire de ce petit restaurant nommé Le Palais de la Gaufre où nos employés se rejoignent pour leurs réunions de groupe. A leur table habituelle, la prise de commande résonne comme la réunion familiale, un moment où se font déclarations et règlements de comptes. Mais le foyer est aussi représenté à travers les souvenirs d’enfance que l’on se délecte à remémorer en cas de coup dur. Georgia n’en a officiellement pas le droit mais telle une enfant désemparée bravant l’interdit, retourne à plusieurs reprises dans son ancienne demeure, lui permettant d’une part de se réconforter à travers ses souvenirs tel un bébé en position fœtale pour se souvenir du ventre de sa mère. Elle profitera aussi de la situation pour veiller sur sa sœur Reggie, très affectée depuis sa disparition au point d’inquiéter son entourage, surtout que son caractère lui renvoie un peu le reflet d’elle-même et déclenche des relents nostalgiques. Ce contexte idéal n’échappe pas aux auteurs qui continuent d’approfondir l’étude et l’étale même sur plusieurs thèmes voisins.
Ils s‘attardent d'abord sur le deuil familial avec tout ce que ça implique d’interrogations et de regrets, un moyen habile de suivre parallèlement la perte de l’être cher (par le biais de sa mère) et dérivent adroitement sur l’influence que cela engendre sur le comportement (la petite sœur affronte cette épreuve à travers une grosse crise d’identité). En s’attardant sur ces personnages, ils démontrent à quel point l’expression usitée "la terre continue de tourner" a une valeur bien particulière. L’interactivité des protagonistes prend donc tout son intérêt et permet de rythmer l’ensemble avec dynamisme, soutenu par les commentaires incisifs de Georgia.

Dead Like Me
 


LA MORT EST UNE GRANDE AVENTURE
Cette jeune fille, principal noyau de la série nous délecte par ses explications sagaces et amusantes concernant la plupart du temps son entourage. Elle en profite bien entendu pour disséquer les forces et les faiblesses de l’être humain mais aussi exposer les difficultés que représente son intégration en tant qu’adolescente dans l’univers des "grands". Sa fonction atypique nous permet aussi d’être les témoins d’une multitude de morts (en général des accidents) avec un ton décalé bienvenu, nous renvoyant davantage vers l’esprit burtonien de Beetlejuice qu'à l’image intimiste et matérialiste de Six Feet Under.
Pourtant, les deux séries entretiennent un ton similaire puisqu’elles parlent de la vie par l’intermédiaire de la mort et ne tentent à aucun moment de se décoller de notre réalité, il n’y a par ailleurs aucun esprit malfaisant (mise à part les sépulcreux, créatures semant la mort dont l’existence naturelle ne peut être reniée), aucune mythologie ni quête improbable pour évoquer un parcours initiatique.

Dead Like Me ne parle que de nôtre quotidien, sans effets, twists tortueux et autres dénouements tragiques. C’est peut être ici que se situe d’ailleurs le vrai problème, une sensation de déjà vécu a peut être envahi le spectateur, le décourageant ainsi de retrouver sa communauté par l’intermédiaire d’une série s’inscrivant dans un genre qui ne s’y prête pas vraiment, une finalité pourtant propre au conte de fées. En créant un univers surréaliste, la série et pourtant devenue un reflet peut être trop conforme de notre société. Cela nous laisse aisément supposer que "l’homme" préfère, tel un adolescent, rêver par procuration plutôt que de se regarder dans une glace.


DEAD LIKE ME
Réalisation : David Grossman, Peter Lauer, James Whitmore
Scénario : Stephen Godchaux, Bridget Carpenter, Annie Weisman
Production : Pascal Verschooris, Scott Winant
Producteurs exécutifs : Bryan Fuller, Tom Spezialy, John Masius, Stephen. Godchaux
Bande originale : Stewart Copeland & Emilio Kauderer
Interpètes : Ellen Muth, Callum Blue, Jasmine Guy, Laura Harris, Mandy Patinkin, Joy Lass, Cynthia Stevenson, Christine Willes, Britt McKillip, Greg Kean, Rebecca Gayheart
Origine : USA, Angleterre
Année : 2003




   

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