Interview - David Sarrio

L'homme qui murmurait à l'oreille des super-héros

David Sarrio

En complément de l'article relatant des exploits de deux réalisateurs fan de comics, David Sarrio, aussi insaisissable que les super-héros qu'il filme, a gentiment accepté d'être soumis à la question par l'équipe de votre webzine préféré. Magnéto, Serge !



Avant de débuter, es-tu déjà sorti avec une ouvreuse ?

Même pas ! Et c'est pas faute d'avoir essayer.

Quel est ton parcours ?
Pour entrer dans le milieu, j’économise 3500 euros et filme Daredevil: The Teaser en avril 2000. Le court-métrage est particulièrement remarqué par les magazines spécialisés et certaines émissions sur le cinéma (Canal +, 13ème Rue, Allociné TV, Mad Movies, SFX Magazine, Comic Box…). En 2003, je réalise Projet Gamma (produit par Nomad Films) basé sur Hulk le célèbre personnage de la Marvel. Le court-métrage fait la même carrière que Daredevil : The Teaser. Entre 2003 et 2006,je réalise des films institutionnels, des pubs, des clips… En 2006, avec Feedback (le promo reel d’un projet de long-métrage) je gagne le “Best action sequence short 2006“ et “Best short of the years“ au AOFF Long Beach Californie.
Je développe avec mes scénaristes Denys Corel et Antoine de Froberville uneambitieuse histoire de super-héros à envergure Européenne Sentinels ainsi que le script Black Death, un "Supernatural" medieval.
En 2007, grâce à mon travail avec mon agent américain (Paradigm Agency L.A.), je me retrouve en compétition pour réaliser The Punisher 2 produit par Lion’s Gate. Je réalise et produit un teaser reflétant ma vision du personnage The Punisher.
En 2008, je développe Forcené écrit par Denys Corel & Antoine de Froberville pour Bleu Prod-Fréderic Joudiau.
Je développe également Die Cheerladers Die! (titre provisoire) coécrit avec Fréderic Roumy d'après un scénario de Romain Protat, une comédie d’horreur pour Game Prod-Laurent.B.Viotti

Photo de tournage teaser Punisher 2
Fabrice Deville prend la pose sur le tournage du teaser du Punisher 2



Pourquoi filmer les super-héros ?

Parce que cela fait parti de mon imaginaire depuis l’enfance. Lire des BD de supers-héros me faisait m’évader à un niveau assez intense !  Je devais vivre ce que pouvait vivre un p’tit athénien à qui l’on racontait l’odyssée ou les exploits d’Héraclès. Les comics m’ont aussi  mené au cinéma, c’est alors une matérialisation de mes envies  d’enfant (voir un super héros en "chair et en os" sur un écran) et un hommage aux bd de super héros. De plus, artistiquement c’était du jamais fait en France, me semble-t-il…et que personne ne me cite Super Dupont :-)

Superdupont
 


Qu'as-tu pensé des adaptations de Daredevil, Hulk et Punisher ?
Concernant DD et Punisher, je ne vais pas tirer sur l’ambulance. Pour le Hulk de Ang Lee je suis partagé. Si le scenario contient une incohérence qui plombe le film (Ross connait le trauma de Banner dés le début puisqu’il était là !), et que certaines scènes sont "fragiles", ainsi que certains choix esthétiques inutiles voir ridicules, Lee a eu "une vision" du personnage qu’on y adhère ou pas. Et par moment les images dégagent une vraie poésie ou une sensation de puissance primitive liée à Hulk.

Hulk de Ang Lee
 


As-tu eu des réactions de Marvel ?
Je sais que des dessinateurs et des responsables de la Marvel l’on vu. J'ai plutôt eu une réaction très positive de Mark Steven Johnson et de Guillermo Del Toro.

Comment procèdes-tu lorsque tu as un sujet ? Tu fais le parcours classique "démarche de prod + demandes implorées de subventions" en présentant le projet, ou tu finances par d'autres moyens ?

Pour mes courts, j’ai soit économisé ma thune, soit (Projet Gamma) eu comme producteur Luc Damie et Nomad films. Luc Damie est un geek à l’état pur, et un miracle pour un réal. Il a mis son propre argent dans la production de PG.

Utilises-tu un storyboard pour élaborer tes courts ?
Toujours ! Peut-être qu’après plusieurs longs, je me laisserais plus inspirer sur le moment. En attendant, je ne veux ni perdre mon temps, ni faire perdre de l’argent lorsque je filme…surtout avec les budgets que j’ai ! (rires)

Quelles ont été les principales difficultés pour réaliser ces films ?
Comme pour la plupart des courts, avoir les moyens de ses ambitions.

Tu bénéficies d'une équipe de fidèles pour t'aider dans tes travaux ou tu t'occupes de tout tout seul ?
Au moment du tournage, c’est toujours une affaire d’échange et de confiance avec son équipe. Sinon, on a un plan par jour en boite si l’on s’occupe de tout.

Adapter Hulk t'intéresserait ? Histoire de faire oublier la version Leterrier.
J’ai ma vision de Hulk (fruit de mes lectures de comics et de mon regard sur la nature primitive de l’homme qu’exprime pour moi Hulk), donc, oui j’adorerais !

Plus généralement, tu penses quoi du travail des réalisateurs français qui ont réussi à percer à Hollywood ?
Indirectement, je pense qu’ils nous permettent de mieux exister auprès des prods et des financiers français. Et puis, cette "réussite" américaine permet au moins de réaliser des films dans les genres qui nous intéressent plutôt que de faire du téléfilm, de la comédie franchouillarde…ou de ne rien faire et de changer de métier.

A part les super-héros, quel genre t'attire ?
Beaucoup ! Même si j’avais une préférence pour le fantastique et la SF,  je me suis nourris de pleins de genre de films.

Quel est ton court-métrage préféré, tous genres confondus ?
Je reste bouche-bé devant L’Ile Aux Fleurs, un court métrage Brésilien (de Jorge Furtado – ndlr). La Jetée de Chris Marker m’avait aussi bluffé. J’aurais aimé avoir eu les capacités de faire ces courts. Batman: Dead End est aussi un fan film short des plus jouissive, le meilleur peut-être.

Ne te sens-tu pas à l'étroit avec le court ? Avec le Net et les sites comme YouTube, aujourd'hui ce format est privilégié, mais penses-tu qu'il soit possible d'arriver à créer quelque chose d'aussi marquant en 15 minutes qu'en 90 minutes ?

Le court est généralement pour un réal une étape avant le long. L’histoire prouve que le long (90 min ou plus), l’art du récit dans la durée, est ce qui nous pousse à aller dans les salles obscurs. Et quant on voit le succès des séries TV US, on comprend que les gens veulent qu’on leur parle (sans limite de temps) en profondeur des personnages qu’ils aiment. Rien ne sera aussi marquant qu’un film de long-métrage ! Suffit de demander autour de soi.

Tu t'es fait connaître en diffusant tes films sur Internet. Pourquoi à ton avis ce sont les cinéastes oeuvrant dans le "genre" qui utilisent le mieux ce média ? Pourquoi sait-on d'avance que le prochain Pialat ne sera pas une révélation du Net ?
Tout simplement par ce que le net est "entre les mains" d’un public qui est méprisé par l’industrie cinématographiquefrançaise : les 15-35 ans. La culture populaire prend le dessus sur la culture "élitisme bourgeoise" (constituée de ceux qui admirent un film réputé "difficile d'accès" afin de s’en servir de critères pour se reconnaître entre gens du même monde ; que ce soit entre anarchistes mondains, étudiants en art, grands bourgeois ou branleurs parisiens...).

Comment es-tu perçu chez les producteurs français ? Comprennent-ils le buzz autour de tes vidéos ? Savent-ils au moins qu'il y a des buzz autour de tes vidéos ?
Je suis perçu comme un réal qui aurait dû naître aux USA (rires). Cela m’agace car c’est autant un compliment qu’un moyen de botter en touche pour un prod. De plus, le prod français est peu curieux comparé aux prod ricains, donc il a souvent un train de retard si vous sortez des circuits officiels (festivals de Clermont & Co). Cela dit, j’intéresse des prods, je développe des projets avec certaines. Ce qui a pris du temps, car bêtement je pensais que mon travail parlerait pour moi (en bien ou en mal, là n’est pas la question)…Oubliant que le plus important c’était les relations, le milieu socio-professionnel dans lequel tu évolues. Surtout pour un mec comme moi qui n’est pas doué avec  "l’entrisme" (rires). Mais, que mon père se rassure, je ne lui en veux pas d’être taxi ! :-)

Cette fameuse Nouvelle Nouvelle Vague française qu'on attend depuis 15/20 ans, elle va finir par arriver quand à ton avis ? Et surtout, comment ?
Certains pensent même qu’elle ne viendra malheureusement jamais ! Disons que tant qu’il n’y aura pas 2/3 films français par ans dit de "genre" qui feront chacun plus de 300 000 entrées, cette "nouvelle vague" restera à l’état d’écume.

Que penses-tu du cinéma français actuel, de son système et de ses productions ?
Je n’ai pas tout les tenants et les aboutissant, mais il me semble que  le système vit en autarcie et profite toujours aux mêmes, en raison notamment d’un public qu’il faut "récupérer" et rassurer quant à la diversité possible,surtout qualitativement,du cinéma national. Il faut savoir que les "goûts du public" servent d’arguments pour continuer à produire les même choses. Distributeurs et exploitants soutiendraient même la production de film gore à la française si cela faisait autant d’entrées que Saw. C’est en substance pour cela que la grande majorité des productions françaises est de la comédie pour la TV ou des films d’auteurs subventionnés sans trop de difficultés (Et qui sont loin de toujours marcher !). Qui plus est ces derniers sont bien loin de la qualité de celui du cinéma anglais ou indépendant US… Si au moins on avait plusieurs films par an de la qualité du Le Goût Des Autres, ou d’un film d’Audiard…

Quels sont tes futurs projets ?
Deux longs (l’un écrit par Denys Corel & Antoine de Froberville, l’autre coécrit avec Fréderic Roumy) qui vont être bientôt en lecture chez Canal + et chez les distributeurs

T'es au courant pour Hellboy ?
J’ai rencontré Del Toro pour la sortie en France de Hellboy 2 (véridique !) mais il ne m’a rien dit :-)

photo du tournage du teaser de The Punisher 2


Encore merci à David Sarrio pour avoir pris sur son peu de  temps libre afin de répondre à ces quelques questions et nous avoir fourni ces photos de tournage du teaser du Punisher.
Et surtout, bonne chance pour la suite !




   

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