Week-end au BIFFF 2010

Good morning Brussels

Affiche BIFFF 2010

Comme chaque année depuis 1983, le BIFFF a fait vivre du 9 au 20 avril un petit coin de Bruxelles au rythme du fantastique. L’occasion pour L’ouvreuse d’appliquer la parité franco-belge en envoyant ses deux agents très spéciaux Vendetta et Simidor pour prendre la température de ce 28ème festival et lui rapporter une poignée d’exclus fantastiques.



Embarquement tôt le samedi avec un troisième larron pour rejoindre la capitale du royaume de Belgique, et les premières difficultés  pour trouver le lieu pas du tout indiqué n’ont pas entamé l’enthousiasme ambiant. A l’arrivée, les affiches des Aventures D'Adèle Blanc-Sec, le nouveau chef-d’œuvre de Luc Besson, faisaient office de décor publicitaire dans tous les recoins des lieux. Le businessman le plus occupé du cinéma français était là la veille pour l’avant-première mondiale du gros événement du festival. Allez savoir pourquoi ce soir-là les deux envoyés spéciaux se trouvaient à Liège à boire des bières (pas très pro, je vous l’accorde).

Arrivés à temps pour le film de 14 heures mais trop tard pour la Zombie Parade, il leur fallut se presser pour choper les places et direction Ikigami. Au passage ils entendirent les premiers cris de ralliement du festival. Les fameux "On s’en fout !" et "I don’t care !" lors des avertissements en multilingue contre les méchants pas beaux qui violeraient le droit d’auteur, "La porte !",plus tard viendrait le "C’est un bon film !" dès que le film en question montrerait une jeune femme dénudée (ou un homme dans le cas de Solomon Kane), ou les deux lors d’un acte sexuel. Ça commence bien, et la même ambiance sera tenue durant les deux jours sur un programme en demi-teinte, contenant le meilleur comme le pire.

Ikigami, Préavis De Mort est un film d’anticipation japonais tiré d’un manga de Motoro Mase qui dépeint un monde très proche du nôtre mais au sein duquel une loi a été votée pour forcer la population à reconnaître la valeur de la vie. Suite à un vaccin le premier jour de primaire, un enfant sur mille recevra une capsule mortelle qui se déclenchera entre 18 et 24 ans, le tuant sur le coup. Vingt quatre heures avant sa mort, il se fera porter un préavis de mort par un fonctionnaire. C’est justement l’un de ces messagers que nous suivrons dans sa basse besogne à travers trois des cas qu’il doit traiter : celui d’un musicien récupéré par l’industrie du disque, celui d’un frère qui veut sauver sa sœur aveugle et du fils perturbé d’une parlementaire qui défend bec et ongles cette même loi.
Nos deux envoyés spéciaux en sont ressortis à peu près satisfaits. L’idée est originale mais elle aboutit à un film très inégal et arythmique. Le parcours de chacun des condamnés permet de passer au-delà du débat politique pour s’installer dans le ressenti et partager une certaine émotion avec les personnages. Même si le film questionne sur la difficulté de capter l’importance de la vie et tente de raccorder chaque mort à un événement positif, il se pose comme un détracteur de cette loi inique et offre dans un final un peu pompeux et à rallonge une porte de sortie. Dommage que le rythme soit si bancal. Dans un format série télé, cela aurait été parfait.

BIFFF 2010
Ikigami, Préavis De Mort


Le deuxième film est canadien et se nomme Pontypool. Le chouchou de Simidor pour cette édition. Un animateur radio haut en couleur de la ville de Pontypool (Canada) se retrouve avec sa productrice et l’assistante pris dans ce qu’ils pensent au départ être un étrange canular. Une épidémie semble infecter la ville et provoquer une recrudescence du taux de meurtres. Ils vont bientôt se rendre compte que cette épidémie se transmet par le langage, curieuse ironie quand on est soi-même animateur radio.
Voilà un vrai film de genre qui part d’une idée très originale pour en extraire tout le sel. Pontypool parvient à dépasser un faible budget pour nous plonger dans un quasi huis clos qui part tranquillement pour devenir de plus en plus oppressant au fur et à mesure que l’infection approche puis menace de se propager sur les protagonistes. Pas mal d’inspiration de Carpenter là-dedans qu’on aurait couplé à la Guerre Des Mondes version Orson Welles (la fameuse émission radio) au sein d’un modeste film d’infectés, mais aussi un résultat rappelant l’épisode Midnight de Doctor Who (saison 4) qui contait également une histoire de propagation d’un mal par le langage. Le propos n’est pas innocent. En filigrane, il dénonce autant la responsabilité des médias dans la propagation des mots que la difficulté à survivre en ne conservant qu’une seule culture globalisée. Le tout est emballé dans un vrai bon film qui s’autorise quelques moments de comique de situation bien sentis soutenus par l’interprétation géniale de Stephen McHattie.

BIFFF 2010
Pontypool


Vient ensuite Christopher Roth : l’histoire d’un grand romancier que son éditeur envoie en Italie pour pondre un nouveau bouquin. Le monsieur a envie de changer de genre, mais ça va être difficile, poursuivi par les meurtres comme il va l’être. Et le meurtrier semble imiter sa patte, ce qui est encore plus problématique (en plus de pas être très original). On en arrive à des moments dans lesquels fiction et réalité s’entrechoquent, ce qui permet à une scène inspiré du giallo de surnager dans un océan d’ennui.
Le plus difficile à admettre est que le type qui a réalisé ça était directeur photo d’Alexandre Aja sur Haute Tension et La Colline A Des Yeux. Au départ éclairé comme un téléfilm puis au final tellement sombre qu’on pige à moitié ce qui se passe dans l’histoire. En dépit d'une scène de giallo efficace, le résultat est assez honteux pour un type dont c’est le boulot. Joaquim de Almeida fait ce qu’il peut et toute l’équipe a l’air bien sympa et semble aimer le cinéma mais ce n’est pas ce qui sauve un film. La formule consacrée de Vendie : "La colline a deux de tension".

BIFFF 2010
Christopher Roth


Solomon Kane
, sorti en France en décembre dernier, a un peu relevé le niveau. Si James Purefoy avait nettement plus de charisme en Marc-Antoine dans Rome, il arrive à faire le minimum syndical pour faire exister le personnage. On se trouve souvent à mi-chemin entre le Van Helsing de Sommers (avec un léger plus au niveau des effets spéciaux) et Jesus 2, Le Retour des Inconnus, mais c’est à peu près ce à quoi on pouvait s’attendre.
La Porte, Grand Prix de Gérardmer 2010, fut une belle surprise pour celui des deux qui ne l’avait pas vu dans les Vosges. Le film conte l’histoire d’un père qui n’a pas pu sauver sa fille parcequ’il se faisait la voisine. Ayant tout perdu, il a l’occasion de retourner en arrière pour éviter à sa fillette de mourir. Mads Mikelsen confirme son talent dans n’importe quel rôle. Encore une fois, le meilleur ressort d’un réalisateur qui n’a à la base rien à voir avec le fantastique. Les personnages sont bien gérés, l’histoire est un modèle de construction, explore toutes les possibilités. Il faudrait voir ce film rien que pour le voisin du héros qui est tout simplement génial. Le seul regret étant les dernières minutes, un peu trop grand guignolesques.

BIFFF 2010
La Porte


1
de Pater Sparrow (c’est bien le titre du film, mais ça pourrait aussi être sa note) est un film hongrois qui met en scène une librairie qui a été cambriolée et dans laquelle tous les bouquins ont été remplacés par un seul en autant d'exemplaires, avec le chiffre 1 sur la couverture. Un type qui s’occupe des affaires paranormales est chargé de l’enquête, tandis que le livre (qui semble être une synthèse de toutes les vies humaines ou un truc dans le genre) provoque des choses pas nettes chez les gens qui le lisent.
1 provoque en tout cas le sommeil chez les gens qui le voient. Quelques scènes surnagent mais on ne peut s’empêcher de piquer du nez devant cette enquête métaphysique qui fait cohabiter une poignée de doux-dingues et des images d’archives sur la condition humaine avec un vilain grain tout moche. Si vous avez des a priori sur l’austérité du cinéma hongrois, ce n’est pas ce film qui les démentira.

King Of Thorn
a eu le malheur de passer après 1. Cet anime est plutôt bien réalisé et assez beau mais l’histoire tellement tortueuse que ça en devient vite énervant. Dans le futur, une maladie des os contamine une partie de la population. Il est décidé de cryogéniser des contaminés encore en vie en attendant de trouver le remède. Parmi eux se trouvent deux jumelles dont les parents sont morts et qui supportent mal de se voir séparer car l’une d’entre elles ne sera pas placée en sommeil cryogénique. Mais les élus se réveillent très tôt de leur sommeil pour se rendre compte que les lieux ont été pris d’assaut par des chauve souris carnivores. Un petit groupe finit par se former pour survivre au sein de cet enfer qui leur réserve d’autres surprises.
King Of Thorn
prend pour métaphore le conte de La Belle Au Bois Dormant transporté dans un univers moderne qui emprunte beaucoup à la structure du jeu vidéo. A la fois classique dans son genre et maladroit dans le résultat. Malgré des scènes d’actions pas mauvaises, on aura eu du mal à ne pas piquer du nez une fois de plus.

BIFFF 2010
King Of Thorn


On n’oubliera pas les pauvres invités qui durent pousser la chansonnette à la demande du public en délire. Nous avons pu également croiser une population hétéroclite de fantasticophiles (dont l’homme aux seins, quelques zombies et même un concours de peinture sur corps). Et puis gardons le meilleur pour la fin, la standing ovation adressée au grand Lance Henriksen. L'acteur possède encore et malgré son âge un charisme indéniable et une voix magnétique comme on en entend peu. Il fut adoubé pour l'occasion chevalier de l'Ordre du Corbeau. A lui de s'exclamer : "I am a Knight. Now you can call me Lance-lot".

Nos envoyés spéciaux purent repartir heureux à l'issue de ces deux journées, bien que déçus de ne pouvoir accompagner le public des fantasticophiles pour les jours suivants du festival.




   

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