Somewhere
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- Critique par Nicolas Bonci le 12 janvier 2011
Dorff rêveries
Le Lion d'Or glané à la dernière Mostra de Venise par Sofia Coppola des mains de son ex, Quentin Tarantino, se révéla un bien beau cadeau empoisonné tant la suspicion sur les conditions d'attribution de la breloque permit à ses détracteurs de mettre plus aisément en doute ses qualités de metteur en scène.
L'univers de ce quatrième opus n'aidant pas, se sont multipliés sans surprise les "pauvre petite fille riche", "la vie de château", "crache dans la soupe" et autres tics rhétoriques qui condamnent de facto tout ce que vous faites sur la base de votre passé. Bah oui, faut l'excuser la Sofia, elle a grandi dans un environnement riche aussi bien financièrement que culturellement, et surtout suffisamment stable pour qu'elle n'ait pas à filmer en MiniDV un poupon entrain d'uriner afin d'… (attention, nouveau poncif à suivre) "exorciser ses démons" (coucou Maïwenn).
De plus il n'aura échapper à personne que le personnage principal de Somewhere n'est pas Sofia Coppola mais un homme dans la fleur de l'âge, Johnny Marco, père d'une jeune adolescente de 11 ans, Cleo. La nuance nous paraît essentielle. Car si, de Virgin Suicides à Marie-Antoinette en passant par Lost In Translation, les héros de Coppola ont pour caractéristique commune d'être étrangers à leur univers, il transparaît depuis le métrage sur l'étêtée de Versailles une nouvelle thématique, le besoin de se réaliser alors que l'on a déjà tout. Ou du moins comment activer ce besoin. Ici le lièvre se nomme paternité (comprendre maternité).
Débarrassée du spleen qui planait sur ses deux premiers efforts, miss Coppola, encouragée et remontée par ces succès, comprit sûrement qu'elle avait maintenant une "œuvre" personnelle à mener à bien. Certes, quelque part elle continue de parler d'elle, de ce qu'elle traverse et ressent, mais combien avons-nous d'auteurs qui pratiquent la nombrilographie sans même prendre la peine d'y inviter le spectateur avec des couleurs et musiques choupi comme tout ? (Ok, là c'est Phoenix au score, alors c'est moins choupi)
Le cinéma de Sofia Coppola ne stagne donc pas. Il gagne en épure, en économie de plan et d'effets pop, c'est certain. S'affirme par des choix de cadres à l'inconfort relatif contrebalançant ce monde cotonneux (le 2/3 1/3, c'est pas trop son truc). Et n'hésite pas à provoquer de longues redondances, telles les deux séquences de pole dance pas gratuites pour un sou étant donnée qu'elles montrent un Johnny, star adulée d'Hollywood, à la fois s'ennuyer de ce monde où il a atterri par hasard (il s'endort) mais qui ne peut s'empêcher d'en apprécier les avantages (il en veut moar), tout en soulignant son aspect factice, limite glauque (le son de grincement des barres volontairement mis en avant sur la musique).
Agréablement shooté par Harry Savides (à qui l'on doit les fantastiques images de Zodiac et les plans-séquences de Elephant – alors les couloirs exigus du Château Marmont, c'est sa came), Somewhere se déroule sans heurt dans une troublante quiétude. Stephen Dorff, père post-ado pas vraiment fini mais avec les pieds sur terre, se comporte comme une éponge, absorbant avec une décontraction feinte le fatras qui l'entoure pour protéger sa bulle père-fille (le thé sous l'eau, belle figure d'isolation ludique).
Comme on l'a vu il n'y a plus de réelle confrontation entre les personnages et leur environnement, ce qui peut laisser l'impression d'un film sans conflit, à la manière d'un Juno. Seulement Sofia Coppola met tout en œuvre pour rappeler à son Johnny Marco de vedette qu'il a quelque chose à accomplir : devenir père. Et pour lui mettre la pression, la cinéaste use de divers gimmicks : les déjà trop vus SMS anonymes qui le désapent de sa carcasse de star, la maturité de Cléo, qui cuisine bien plus sainement que son père ! Mais l'effet à relever reste ce fantastique travelling avant sur un Johnny immobile, caché par un moule en plâtre, dont l'angoisse d'être cloîtré avec lui-même tandis qu'on lui prend littéralement son image se traduit par une respiration de plus en plus forte (le son, encore !). Coppola achèvera son personnage le plan d'après avec un maquillage diablement évocateur (trop, peut-être).
Ainsi, le Johnny Marco, star d'Hollywood, qui tournait en rond dans une clinquante Ferrari, mimétique au point de caler avec lui lorsque celui-ci ne sait plus comment avancer dans sa relation avec sa fille, se résoudra à faire des résolutions, et à parler en père, non plus en grand frère (à l'issue de leur seul trajet non effectué dans la Ferrari). De par les choix faits tout au long du métrage par Sofia Coppola, la séquence finale sera fatalement logique et symbolique, évidemment trop idéale.
Mais c'est une séquence qui dit surtout "A suivre". Il y a cliffhanger plus excitant, mais les films de Coppola fille étant chaque fois plus intéressants, c'est une invitation à ne pas refuser.
SOMEWHERE
Réalisatrice : Sofia Coppola
Scénario : Sofia Coppola
Production : Sofia Coppola, Roman Coppola, G. Mac Brown…
Photo : Harris Savides
Montage : Sarah Flack
Bande originale : Phoenix
Origine : USA
Durée : 1H37
Sortie française : 5 janvier 2011
Commentaires
Pour moi somewhere souffre du douloureux symptôme de "film de blancs". Tu montres à un mec qui a des problèmes la vie de ce héros (?) millionnaire qui souffre parce qu'il ressent un ptit vide dans sa vie, il captera pas. Cette fille est à l'opposé de l'universel, voire même du vrai. Et assister à sa sacralisation de la part d'un site à qui, je croyais, on ne la faisait pas, fait un peu mal au c.. Enlever Savides de Somewhere et on obtient Nothing.
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