L'Orphelinat

Prendre un enfant par la main...

Affiche L'Orphelinat

Je vous rassure tout de suite, avec L'Orphelinat, on navigue très loin d'Yves Duteil. Grand prix au dernier festival de Géradmer, pluie de Goyas (équivalents espagnols de nos incomparables Césars), critiques sous le charme, succès public dans son pays : vous l'aurez compris, le film de Juan Antonio Bayona fait l'unanimité.


Cela en fait-il pour autant un bon film, l'engouement suscité peut-il être considéré comme un gage de qualité suffisamment pertinent (voir Les Ch'tis notamment) ? Affirmatif, L'Orphelinat est excellent mais on est quand même loin du classique instantané comme peuvent le laisser entendre certaines critiques.

C'est tout de même incroyable de voir comment la perception d'un film fluctue à partir du moment où un nom respectable et reconnu lui est associé. Que le fanboy Guillermo Del Toro (Blade II, Hellboy), ici producteur, ait livré deux chefs-d’œuvre encensés par la critique " officielle" (L'Echine Du Diable et Le Labyrinthe de Pan)  rend tout de suite plus noble un film fantastique bien troussé aux références parfois un peu trop prégnantes (Poltergeist, La Maison Du Diable). Sans comptez que si vous saupoudrez le tout du thème de l'enfance martyrisée, vous gagnez le jackpot, ou les récompenses en l'occurrence. Attention, n'allez pas croire qu'elles ne sont pas méritées, bien au contraire.
Mais passons sur les sempiternelles considérations d'une critique aveugle que seules des figures tutélaires semble à même de rendre la vue. Au moins, L’Orphelinat profite d’une large distribution comparée à celle indigne de The Mist.

Laura décide de réaménager l'orphelinat dans lequel elle a été élevée il y a trente ans pour en faire un centre d'accueil pour enfants attardés. Y résidant depuis le début des travaux avec son mari et leurs fils adoptif Simon, Laura ne prête pas une grande attention aux amis imaginaires de son gamin. Jusqu'au jour de la disparition de ce dernier...

Tout en chassant sur les terres de son auguste parrain et puisant son inspiration dans tout un pan récent du cinéma fantastique espagnol, Bayona parvient à s'approprier ces influences pour faire de ce conte un véritable jeu de pistes à l'ambiance inquiétante. Si l'on pense forcément à L'Echine Du Diable, on retrouve également du Fragile de Balaguero ou Les Autres de Amenabar. Même manière subtile d'instiller la peur dans le quotidien le plus commun. Comme eux, L'Orphelinat met en valeur une enfance traumatisée par de vieux démons, la résurgence de ce passé sous forme de fantômes venus hanter les survivants renvoie clairement aux dégâts causés par un franquisme pourtant encore bien présent dans les mémoires espagnoles, malgré ce que prétendait Rajoy, l'opposant à Zapatero, durant la récente campagne des élections législatives espagnoles. Un point de vue plutôt prégnant dans l'explicite Labyrinthe De Pan.

Des films chargés de sens, mais pas pour autant revendicateurs ou vindicatifs. Ici, on parle d'un travail de deuil et d'un devoir de mémoire difficiles mais qui doivent être nécessairement entrepris. Dans L’Orphelinat, cela passe par la vision de vieux films d'époque ou la reconstitution fidèle d'un environnement passé. L'occasion pour Laura de remonter le temps non plus par la grâce d'une machine infernale mais par la juxtaposition de ses souvenirs d'enfance sur une réalité désespérante. Car comme le dit la médium : "Croire c'est voir". Et c'est en se laissant gagner par la nostalgie ainsi que par la certitude de retrouver son fils que Laura parviendra à convoquer les fantômes de son passé.
Un orphelinat où la réalité et les souvenirs communiquent en permanence par le truchement d’une réalisation sobre, une photo magnifique et un sens du cadre étonnant pour un premier film.

L'Orphelinat
 

Bayona  est un réalisateur qui prend son temps, évite tout effet facile ou gratuit et fait peser une menace sourde par un étirement des séquences et en différant l'apparition de la moindre présence. Et tandis que le temps passe (neuf mois) depuis la disparition de Simon, l’intrigue semble mener nulle part jusqu’à ce qu’en désespoir de cause, la mère meurtrie fasse appel à une médium qui viendra relancer son espoir tout comme la narration.
Une séance de spiritisme par vidéo interposée amorçant une dernière partie qui permet à Bayona de livrer des séquences d'une grande intensité. Jamais un jeu aussi commun que "1, 2, 3 soleil" ne vous aura paru aussi glaçant. Une tension qui opère par vagues successives pendant tout le film sans jamais devenir paroxystique dans un climax d'une grande puissance émotionnelle. Histoire de vengeance d'outre-tombe, jeux innocents et cruels tournant mal, le drame survient avant tout du manque d'attention porté à des choses a priori insignifiantes sauf aux yeux d'un enfant.

L'Orphelinat parle de la peur de perdre son enfant, de la perte de toute capacité d'émerveillement. Un film pas exempt de défauts mais dont la résolution tragique autant qu’apaisante vous vrillera le cœur.
Finalement, Wendy sera parvenue à retourner dans le monde de Neverland pour y retrouver "ses enfants"…

6/10
EL ORFANATO
Réalisateur : Juan Antonio Bayona
Scénario : Sergio G. Sanchez
Production : Guillermo Del Toro, Mar Targarona, Joaquin Padro...
Photo : Oscar Faura
Montage : Elena Ruiz
Bande originale : Fernando Velazquez
Origine : Espagne / Mexique
Durée : 1h46
Sortie française : 5 mars 2008




   

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