Les Seigneurs De La Guerre

Frères de sang

Affiche Les Seigneurs de la Guerre

Afin d’éviter une décompression brutale après le festival de barbaque de Gérardmer, rien de tel que de se plonger dans un film plein de bruit, de fureur, de sang et de membres sectionnés ! Mais attention aux étiquettes réductrices qui masquent une portée politique virulente.


Evoquer l’histoire de la construction de l’empire du milieu dans de grandes fresques épiques est un exercice difficile. Car pour bénéficier d’un budget conséquent, c’est limite si les réalisateurs ne doivent pas montrer leur carte du parti ! Et c’est baignant dans une idéologie douteuse que Zhang Yimou fit rêver les occidentaux avec ses zolis wu xia pian à la gloire de l’Empire comme
Hero. Pourtant la période évoquée est beaucoup plus controversée.

En attendant de découvrir le 25 mars la grande fresque de John Woo Les Trois Royaumes, Peter Chan, le réalisateur du sirupeux Perhaps Love, prouve avec Les Seigneurs De La Guerre que succès et film subversif ne sont pas incompatibles. Pour l’instant plus gros succès local qui réunit les trois méga stars Jet Li, Andy Lau et Takeshi Kaneshiro.

La décadence de la dynastie mandchoue des Quing instaure une instabilité politique propice à l’éclosion de plusieurs foyers de conflits et la montée en puissance des seigneurs de la guerre avides de pouvoir et de terres à conquérir. C’est dans ce contexte de fin du 19ème siècle en Chine que se concentrera l’histoire de trois hommes liés par un pacte d’honneur. Ancien général de l’armée impériale déchu, Pang (Jet Li) s’allie à deux bandits notoires Er-Hu (Andy Lau) et son fidèle bras droit Zhang (Takeshi Kaneshiro) meurtris de voir les familles de leurs compagnons affamées. Par amitié et par nécessité Pang leur propose de rejoindre l’armée impériale pour subvenir aux besoins de leur peuple et assouvir leur soif de combats.
Le film de Peter Chan n’a pas vocation à englober et expliquer par le menu un contexte politique bien trop foisonnant et succinctement rappelé dans les trois cartons introductifs. Non, ce qui l’intéresse c’est d’utiliser l’artifice de la fresque guerrière pour raconter en creux la relation de ces trois hommes unis par un pacte de sang et qui se déchireront selon leur vision du monde. Globale et de prime abord inhumaine (pragmatique, autrement dit) pour Pang, pétrie d’idéalisme et basée sur la confiance pour Er-Hu. Surtout, ce film est la renaissance de Jet-Li. C’est clairement annoncé dès les volutes de poussière de la première bataille retombées lorsque Pang (Jet Li donc) s’extrait des amas de corps, seul survivant du massacre de son armée. C’est également la renaissance de l’acteur qui s’est ici étoffé physiquement, le rendant moins agile mais plus puissant dans les corps à corps, et dans son jeu. Plus grave, son visage est ainsi beaucoup plus expressif que ses pitreries hollywoodiennes. Un Jet Li dont le personnage exprime à merveille tout ce qu’aura été sa carrière, "marcher sur une fine couche de glace".

Les Seigneurs de la Guerre
 

Rassurez-vous, avec un titre pareil, le film de Chan fait la part belle aux combats et illustre avec panache le tumulte de ces guerres incessantes. Bien loin des affèteries de Zhang Yimou (Le Secret Des Poignards Volants), Les Seigneurs De La Guerre n’hésite pas à montrer la dureté de batailles se déroulant dans la terre, la boue, les tranchées. Des séquences ahurissantes de beauté et de violence mêlées rehaussées par le soin apporté aux chorégraphies des belligérants alors que l’on est plutôt habitué à voir des masses de guerriers se fonçant dessus et se cognant. Chose étonnante pour un spectacle de la sorte, le réalisateur n’hésitera pas à nous montrer des soldats mourant autrement que par le sabre puisque lors du siège de la cité de Suzhou, la maladie, la malnutrition ou carrément la famine feront de nombreuses victimes. On se croirait sur le champ de bataille de Verdun ! Pas d’exaltation déplacée, les coups font mal et les membres sectionnés et les giclées de sang ne sont pas là pour amuser la galerie. Et tandis que les opérations de guerre menées par Pang et ses deux frères d’armes doivent les amener à la conquête de la citadelle de Naiking, fief de la rébellion, un évènement inattendu va remettre en cause les certitudes des personnages et jusqu’au déroulement du film.
Un virage à 180 degrés qui survient à la suite d’un évènement dramatique : le massacre des guerriers de Suzhou s’étant rendus et dont Er-Hu avait promis la libération, que Pang n’hésite pas à sacrifier car après tout ce sont des guerriers, ils se sont préparés à mourir. A partir de cet instant crucial, le film va changer totalement de registre et s’attacher aux remises en question morales des trois personnages.

Les Seigneurs de la Guerre
 

Si bien que LA bataille pour la prise de Naiking ne nous sera même pas montrée, le réalisateur s’intéressant désormais (mais en fait depuis le début) aux états d’âmes de ces guerriers. A l’écran, cela se traduit par un nombre important de plans rapprochés sur les visages des protagonistes, qu’ils soient secondaires ou de premiers plans comme pour mieux scruter leurs âmes. Des gros plans qui se multiplieront une fois tout le monde revenu à la Cité Interdite, lieu où se dénoueront les fils du destin des "trois frères" soumis à la duplicité des conseillers de l’impératrice. Un film qui vire à la tragédie à coup de trahison, de suspicion et d’infidélité. Superbement mis en scène, Les Seigneurs De La Guerre souffre cependant d’un personnage féminin central à la présence trop peu marquante (celle pour qui battrons les cœurs de Pang et Er-Hu) mais qui a le mérite d’offrir un vrai point de vue sur la guerre et sévèrement écorné la construction politique de l’empire. Ce qui dans ce genre de production était loin d’être gagné.

7/10
WARLORDS (TAU MING CHON)
Réalisateur : Peter Chan & Wai Mai Yip
Scénario : Tin Nam Chun, Junli Guo, Jiping He
Production : Peter Chan, Rita Fung, Sanping Han…
Photo : Arthur Wong
Montage : Chris Blunden & Wenders Li
Bande originale : Kwong Wing Chan, Peter Kam, Leon Ko
Origine : Chine/Hong-Kong
Durée : 1h50 (version internationale) / 2h06 (version chinoise)
Sortie française : 28 janvier 2009




   

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