Brick

Franc maçon

Affiche Brick

Nous aimons les étiquettes. Il est nécessaire que tout soit classé, rangé, on veut savoir précisément à quelles catégories appartiennent les biens que l'on consomme. Ce qui n'est pas très étonnant quand le label a plus d'importance que l'objet labellisé lui-même.


Cet état de fait n'a bien évidemment pas échappé aux communicants qui usent et abusent de termes qui ne veulent plus rien dire afin d'amadouer le chaland, surtout celui qui "ne se fait pas piéger par le formatage". On continue par exemple de parler de cinéma indépendant américain afin que le cinéphile concerné puisse voir des films US sans culpabiliser quand 90% de ces films indé sont produits par les Majors hollywoodiennes à travers leurs branches "Art et Essai".
Tout ceci pour introduire un des derniers films "indépendants" américains tendance, ou tout du moins vendu comme tel, Brick, produit par la très respectable firme indépendante Focus, qui se trouve être une branche de... Universal (et Prix Spécial de Sundance l'an dernier).

Mais assez parlé du label, parlons de l'objet : Brick est un film expérimental, un vrai, dans le sens où le réalisateur, Rian Johnson (monteur d'une autre réussite indépendante, May, de son pote Lucky McKee), a tenté le pari de transposer une histoire de polar pur et dur à la Raymond Chandler dans un lycée californien des années 2000 avec tous les ingrédient propres au genre : héros taciturne (excellent Joseph Gordon-Levitt, tout comme il l'était déjà dans Mysterious Skin), intrigue tordue et limite compréhensible dans la parfaite tradition du Grand Sommeil, manipulations, femmes fatales, big boss immobiles mais omniscients, sbires musclés, indic parano, musique jazzy, images ternes, lieux toujours filmés sur le même angle sauf lors des scènes de résolution et identifications des rôles des personnages par des objets, tel le Lynch de la grande époque (Blue Velvet) : ici, tout tourne autour des ovipares ; le sbire musclé menace avec un récipient en forme de coq (sa fierté le perdra), le big boss à pied-bot possède une canne dont le pommeau est un canard (le canard boiteux dont l'infirmité le perdra), la manipulatrice est coiffée d'une barrette décorée de plumes de gibier d'eau (elle pensait s'envoler libre, elle se retrouve en fait mouillée jusqu'au cou). Soit Brick, ou le film Noir remixé par John Hugues.

Brick

Nous avons ainsi droit à des scènes surréalistes dans lesquelles le big boss dealer de la ville parlemente avec le héros en mangeant un cookie servi par sa maman, où les personnages menacent de prévenir le proviseur plutôt que l'inspecteur de police, et où les casiers du lycée remplace les consignes de gare. Le traitement de Johnson est à ce titre pertinent, démontrant que quelques soient les sujets et milieux filmés, un récit peut être totalement crédible et dramatiquement viable si on l'aborde avec intégrité, respect et franchise, reléguant le cynisme, le second degré et l'humour détaché à ceux qui ne savent pas produire du cinéma ou qui n'y croient pas. L'intelligence du metteur en scène éclate lors d'une séquence de course-poursuite qui s'achève grâce à un élément sonore à priori anodin, confortant l'impression d'avoir affaire à un vrai réalisateur de cinéma.

Il faut donc voir Brick, non pas parce que l'on vous fait croire qu'il est un digne représentant du "cinéma indépendant tu vois", mais parce que c'est diablement intéressant, tout simplement.

7/10
BRICK
Réalisation  : Rian Johnson
Scénario : Rian Johnson
Production : Ram Bergman, Mark G. Mathis...
Photo : Steve Yedlin
Montage : Rian Johnson
Bande originale : Nathan Johnson
Origine : USA
Durée : 1h50
Sortie française : 16 août 2006




   

Vous n'avez pas les droit pour commenter cet article.

RoboCom.

Informations supplémentaires