J'ai chiné avec Morsay à Porte de St-Ouen

Morsay pour le chocolat

Morsay
[Article publié dans le cadre de "La semaine normale"] "50 € pour un pot d'échappement ?! Tu l'as péta, ça vaut pas trois balles. Et il est même pas catalytique, tu m'prends pour un con ou quoi ?"

Face à Morsay, le vendeur fait la moue, hésite : "Allez j'te l'fais à 40, parce que c'est toi."

Pris de fougue, Morsay s'exclame : "Tu t'fous d'ma gueule fils de pute ! Moi j'te baise ta mère la pute, j'lui tire une balle dans la bouche, pédé. J'suis le roi de Clignancourt mec, j'vais t'envoyer au pôle nord, t'es pas prêt de revoir la chatte à ta grand-mère."

Le leader des Truands 2 la galère mitraille de mots le vendeur. Pendant toutes ces années à écumer les rues, il a fait du langage une arme, inventé son propre patoi bigarré, mi-agressif, mi-poétique. Cet Audiard du XXIème siècle est un personnage entier et haut en couleur, qui a aiguisé son art de lyrics en lyrics. Sous des abords triviaux, ses textes, de Passe Moi Mes Tunes à Mec Sa fait 15 Piges en passant par Trop trop Ghetto, offrent un authentique témoignage de la vie en banlieue. Sociologue de l'intérieur, il s'essaie même au pamphlet avec Nike Les Skins et à l'hommage intertextuel avec Guerre Et Paix. Se dégage de ses albums une philosophie qu'il n'hésite pas à appliquer dans la vie : "Bah ouais, parce que si tu t'respectes pas toi-même, comment tu veux qu'les autres ils t'respectent ?" Morsay est un indépendant, un vrai. Individualiste peut-être. Individu certainement.

Morsay

Le rappeur a plus d'un tour dans son sac, et la musique, tout comme le street-wear ou l'art de la provoc', n'est qu'une étape pour cet enfant de la balle, ce poète de l'asphalte. Brique par brique, il construit son univers, et son projet de cinéma s'inscrit dans cette démarche. Modeste, il dissimule ses failles et ses ambitions artistiques derrière des propos de façade, pour impressionner ses jeunes camarades : "On s’en tape du cinéma, c’est juste le blé qui m'intéresse. J'déclare rien en France. Je roule en Porsche, j'suis millionnaire fils de pute. Suce ma bite à ta grand-mère sale journaliste de merde." Chez Morsay c’est toujours le cœur qui parle.

En l'accompagnant dans les allées des puces de Clignancourt, on se rend vite compte que le bonhomme est sincère, usé par les aléas de la vie et très loin du personnage qu'il s'est inventé sur Internet. Quand on évoque ses influences cinématographiques, le jeune cinéaste est très loin des clichés : "Ozu, Chabrol, Frears, Inárritu... Je surkiffe Le Dernier Métro, putain de film de sa race. Deneuve, sa mère la pute, elle est là, elle bouge pas. Représente."

Artiste sans concession, insoumis, hostile à tout ce qui est commercial, Morsay garde farouchement sa liberté vis-à-vis des grosses machines. Marine Le Pen et le gouvernement entravent la sortie de La Vengeance, son premier long-métrage ? Qu'à cela ne tienne ! Morsay a plus d'un tour dans son sac et n'hésite pas à défier les puissants. "Sarko, on t'attend au 44 rue Paul Bert. On va t'mettre ta race à ta mère la pute."

Avec autant d'atouts en poche, nul doute que Morsay pourrait bientôt devenir le porte-étendard cinématographique des parias du bitume, le saint-patron des lascars, le Orson Welles de Clignancourt.




   

Vous n'avez pas les droit pour commenter cet article.

RoboCom.

Informations supplémentaires